Quand le service public offre son antenne à l’épouse d’une célébrité mise en examen pour agression et harcèlement sexuel.
Samedi 20 janvier dans son émission Quelle époque ! sur France 2, Léa Salamé a accordé 25 minutes d’antenne à la compagne de Nicolas Bedos, Pauline Desmonts, réalisatrice du making of, disponible gratuitement sur Youtube, de la série du même Bedos, Alphonse, lui offrant ainsi l’occasion :
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1. De défendre son homme, d’indiquer qu’elle le “connaît par cœur” et qu’il n’est pas un prédateur sexuel, même si – bel exemple de prétérition – elle respecte les deux femmes qui ont porté plainte contre lui pour “agression” et “harcèlement” sexuels ( en réalité quatre femmes l’accusent, mais pour les deux autres, il y a eu un classement sans suite en raison de la prescription).
2. De reprocher à Prime Video – qui n’est certes pas une oeuvre philanthropique – d’avoir sorti la série Alphonse en catimini à cause des mises en cause décrites ci-dessus, et uniquement pour cette raison. “C’est la première fois qu’une œuvre française se fait canceliser. Quand on sort une série mais qu’on la prive de toute exposition, de toute forme de promotion […] Amazon a muselé toute l’équipe, Nicolas y compris, à la suite de ces accusations”.
3. De dire tout le bien qu’il faut penser de cette série formidable ( “Elle est dans le top 3 des séries les plus aimées”), en cela aidée par le co-présentateur de l’émission de Salamé, Christophe Dechavanne, as du dithyrambe et spécialiste bien connu des séries, qui déclara qu’il s’agissait pour lui de “l’une des meilleures séries depuis 15 ou 20 ans”, “grossière mais pas vulgaire, tordante”, ajoutant que “la lumière est sublime”…
4. D’accuser la presse de n’avoir pas critiqué la série mais l’homme Nicolas Bedos, avec une virulence injuste. Ce qui donna l’occasion à Yvan Attal, venu présenter son nouveau film, d’avoir cette saillie puissante : “Ce qui est dingue, c’est que les critiques dissuadent les gens d’aller voir la série”.
5. De vendre son making of (confirmant que le cinéaste joué par Denis Podalydès dans Making of de Cédric Kahn a raison : ceux.celles qui réalisent les making of sont souvent des pistonné.es), dans lequel on voit selon les extraits diffusés dans Quelle époque ! Pierre Arditi, Jean Dujardin et Nicolas Bedos s’autocongratuler et pleurer en s’embrassant… Passionnant.
Juge et partie
Le tout mélangé avec des explications un peu embarrassées où ça boulochait, s’amalgamait, se coagulait gentiment : “Il peut être odieux, excessif, provocateur mais ce n’est pas un agresseur sexuel”, “C’était dans un cadre festif”, “ambiance de fin de soirée”, etc. Il boit trop mais quand il ne boit pas, “il travaille énormément”, il n’est pas “sexiste”, pas “misogyne”, d’ailleurs il se soigne et il n’ira plus en boîte, sa série est géniale (“c’est une série féministe et tout le monde sait combien Nicolas a toujours défendu et sublimé les femmes”, il “n’a pas un problème avec les femmes mais avec l’alcool”). Alphonse a été à la fois “placardisé” par Amazon, “lynché” par la presse, “cancelé” alors qu’il est toujours visible sur Prime Video.
Seuls deux invité·es, classés à droite, émirent quelques bémols. Apolline de Malherbe, la vigoureuse animatrice de la branche matinale de RMC, énonça une vérité en s’adressant à Pauline Desmonts : « Dans un procès, vous ne pourriez pas témoigner. Tout comme la mère d’un accusé ne témoignerait pas […] Et la question du rapport à l’alcool est toujours une question délicate, parce qu’évidemment dans ces cas-là on se dit que ‘c’est pas celui que je connais’, mais c’est aussi celui que vous connaissez”. Le journaliste Jean-Dominique Merchet, de L’Opinion, prit la peine de rappeler que l’alcool n’est pas une circonstance atténuante ou une excuse, ou plutôt qu’elle est celle de celles et ceux qui tuent des gens en voiture ou qui battent leur femme. Desmonts reconnut, il est vrai, qu’elle était “juge et partie”, mais au fond, le travail était fait. Alors que tout le monde se plaint que le tribunal médiatique se substitue à la justice, Pauline Desmonts, communicante de métier, venait de faire le job pour lequel elle était venue : défendre son mari devant le tribunal médiatique, le seul où elle pouvait le faire.
On remarquera enfin, comme l’a justement fait remarquer l’autrice et militante féministe Rose Lamy sur son compte Instagram : “ça commence à faire beaucoup d’épouses / ex épouses qui montent aux créneaux pour défendre leurs maris : Cauet, Depardieu, Darmanin, Besson”.
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