Cet ancien champion de MMA devenu acteur s’amuse, aux côtés du photographe et cinéaste Marc Martin, à déjouer les stéréotypes du nu et l’exaltation de la virilité.
Ce qui captive d’abord chez Mathis Chevalier, c’est son regard à la fois espiègle et mélancolique. Le jeune homme, tout en muscles, charme également par ses looks vintage qui le font ressembler à ses modèles, comme Michel Poiccard, le voyou désinvolte interprété par Jean-Paul Belmondo dans À bout de souffle (1960).
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Du MMA au cinéma en passant par la photographie, son itinéraire se profile par embardées, propulsant sa carrure d’athlète d’une discipline à l’autre. Originaire de Morsang-sur-Orge, en banlieue parisienne, le jeune homme songe un temps aux arts appliqués, avant de s’orienter vers les sports de combat. “J’ai commencé le MMA à l’âge de 15 ans et le judo dès l’âge de 5 ans. C’était mon truc. À côté, il y avait déjà la démarche d’une création de soi, d’un personnage, comme Conor McGregor [star du MMA].”
Champion d’Europe de MMA en amateur à trois reprises
Voyant son potentiel, il quitte les bancs de l’école pour se consacrer pleinement aux combats et décroche à trois reprises le titre de champion d’Europe de MMA en amateur. Alors sur le point de se professionnaliser, il déserte les cages de combat pour “jouer dans des courts métrages, défiler pour des marques de mode et être modèle pour des shootings photo”.
Parmi ses apparitions remarquées, son rôle dans le court métrage Mon CRS (2022), réalisé par Marc Martin, dans lequel il incarne un policier amoureux d’un·e artiste non binaire, Othmane. Avec ce film sensuel et queer, Mathis Chevalier impose à l’image une virilité survoltée faite de contrastes et de volupté.
“Je me suis rendu compte que le jeu pouvait aussi être un sport. Préparer un rôle, c’est comme préparer un combat.”
À propos de l’acting, il explique : “Je me suis rendu compte que le jeu pouvait aussi être un sport. Préparer un rôle, c’est comme préparer un combat.” Si Mon CRS révèle la singularité de Mathis Chevalier comme acteur, le film marque aussi le début de sa collaboration artistique avec le photographe Marc Martin.
Longtemps valorisée tout en étant codifiée dans l’histoire de l’art, la représentation du nu masculin s’incarne aujourd’hui dans une plus grande diversité. C’est dans cette perspective que Marc Martin et Mathis Chevalier s’engagent dans un projet photographique, Tomber des nu(e)s. L’idée de départ est, selon Mathis Chevalier, “de mettre en lumière des artistes qui nous sont chers et faire des ponts entre les communautés. C’est pour moi une façon de montrer différentes formes de virilité”.
Madonna, Brad Pitt et l’espace queer
Chaque image s’inspire autant de tableaux classiques (Vénus à son miroir de Velázquez) que d’idoles contemporaines, mettant en scène Mathis Chevalier qui singe Brad Pitt dans Fight Club (1999), en marin fassbinderien (Querelle, 1982), en modèle de Larry Clark ou encore en auto-stoppeur naturiste, comme Madonna dans Sex (1992).
“J’ai l’impression d’être hors système quand je suis nu, affirme-t-il. Son rapport à la nudité ? “Ce n’est pas seulement se débarrasser de ses vêtements, c’est se débarrasser des diktats de la société et des conventions. Se débarrasser de tout ça, c’est gagner en liberté.”
“J’ai envie de montrer mon corps fort, mais de manière lascive.”
En s’exposant sans pudeur, le jeune homme embrasse pleinement une posture camp, non sans provocation ou ironie de sa part. Sa migration du monde pas toujours gay-friendly du sport de combat vers celui de la création, ainsi que ses multiples projets artistiques, témoigne d’un désir de réforme du masculin, une envie de repenser les liens entre la force et la domination.
“Étant combattant de MMA à la base, je me sens bien lorsque mon corps est exposé, en démonstration. Mais la photographie m’a permis d’exposer mon corps autrement. J’ai envie de montrer mon corps fort, mais de manière lascive.” C’est à l’occasion de soirées techno à Paris qu’il découvre l’univers queer et observe sans conteste “une vague de tolérance et beaucoup moins de rapports de domination”.
“Lorsque tu es différent en banlieue, t’es juste bizarre et pas toléré. L’espace queer donne de la force dans le fait d’affirmer sa différence”. Aussi bien dans sa pratique artistique que dans sa vie personnelle, Mathis Chevalier détourne sa posture de tous les clichés de la masculinité et estime qu’“être un homme, demain, c’est accepter sa vulnérabilité”.
Tomber des nu(e)s de Marc Martin et Mathis Chevalier (Agua), 296 p., 89 €. Édition limitée disponible sur commande.
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