La Kafka-mania, vous connaissez ? Sur TikTok, l’œuvre de l’écrivain déchaîne les passions et cristallise les idéaux d’une génération désenchantée.
Depuis quelques mois, Franz Kafka est partout. Quand ce n’est pas Geoffroy de Lagasnerie qui se lance dans un essai pour repenser son œuvre, l’auteur austro-hongrois fait l’objet d’une formidable biographie en trois parties écrites par Reiner Stach. Mais qui pouvait prévoir que cent ans après sa mort, Kafka serait la nouvelle coqueluche de la génération TikTok ? C’est pourtant bien ce qui est en train de se passer. Sur la plateforme chinoise, les utilisateur·rices ont pris l’habitude de dépoussiérer les écrits d’auteurs classiques et les introduire à un public encore néophyte. Récemment, c’est l’auteur de La Métamorphose et du Procès qui fait l’expérience d’un engouement nouveau, à coups de fiches de lecture d’une minute ou de vidéos d’ambiance plus étonnantes.
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Une tendance telle que, d’après la rédaction de France Inter, les ventes de ses livres édités chez Folio auraient été multipliées par trois en mai. Mais alors qu’est-ce qui passionne à ce point les 15-35 ans chez Kafka ? Cela semble tout avoir à voir avec le romantisme de ses textes, en particulier celui de Lettres à Milena, compilation des lettres échangées entre lui et une traductrice mariée de qui il s’était amouraché après seulement quelques rencontres. Une passion épistolaire et intense qui a suffi à faire chavirer les cœurs de la génération Z, avide d’amours vertigineuses.
Un grand amour “à l’ancienne”
Naît alors une “esthétique Kafka”, où les déclarations enflammées de l’auteur se retrouvent superposées à des peintures et visuels qui illustreraient sa grammaire amoureuse. “Comment être aimée comme Milena ?”, “Je ne sortirai pas avec un homme tant qu’il ne sera pas Kafka” s’exclament alors différentes utilisatrices du réseau social, fantasmant un grand amour “à l’ancienne” à travers les mots de Kafka.
D’autres comparent les messages simples de leurs copains (“ma belle”, “xoxo”) aux tirades ardentes de l’auteur (“D’une certaine manière, vous êtes un matériau de poésie. Vous êtes plein de subtilités nuageuses que je suis prêt à passer toute une vie à comprendre. Les mots éclatent dans votre essence et vous portez leur poussière dans les pores de votre individualité éthérée”) pour mettre en lumière une prétendue césure entre les efforts amoureux de l’époque et ceux d’aujourd’hui. Se dessine en filigrane une obsession de l’amour total, presque maladif, qui pourrait faire allègrement écho à la romantisation de ces fameux drames passionnels et destructeurs. Certaines vidéos mettent en outre l’accent sur les troubles mentaux et dépressifs de l’auteur, ainsi que sur ses problèmes de dysmorphie physique. Des thèmes qui font écho aux enjeux de la génération Z, à la fois prête à ouvrir le dialogue mais aussi à les instrumentaliser sur les réseaux. Sans prévenir, la persona de Kafka prend le pas sur son œuvre, d’ores et déjà irriguée par sa vie privée.
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