[Spécial sexe 2023] Ils sont gays, mettent au centre de leurs fantasmes les hommes cis mais “flexibles” et débordent d’astuces et de talents lorsqu’il s’agit de les convaincre de passer un instant, un soir ou plusieurs avec eux. Nous sommes partis sur les traces des “straight chasers”.
Beaucoup d’hétéros peuvent coucher avec des mecs tout en ne remettant pas en question leur orientation sexuelle ou leur mode de vie. Car se définir comme gay relève d’un tout autre processus : ce serait définitivement traverser une frontière, et certains hommes préfèrent en jouer le temps d’un bref rapport. “Hey honey, take a walk on the wild side.”
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Le mâle hétéro viril qu’on emmène faire un tour du côté sauvage est un motif récurrent de la culture gay, de Jean Genet à Tom of Finland. Le groupe Village People en a d’ailleurs décliné une belle panoplie : le flic, le soldat, le cowboy, le maçon, le motard, l’Indien. Tous sont devenus des figures classiques du porno gay.
Des pissotières à Grindr
Dans les années 1990 et 2000, le réalisateur Jean-Noël René Clair, avec son label JNRC, s’était fait une spécialité de trouver des acteurs hétéros à même de nourrir des fantasmes gays, avec des titres annonçant sans ambages la marchandise : Légionnaires 1 & 2, Pompiers 1 & 2, Footballeurs, Turcs, Gitans… Et, justement, ces hétéros flexibles, certains homos aiment à les prendre en chasse. Dans le langage des initiés, on les appelle des “straight chasers”.
Laurent, la cinquantaine passée, homo assumé, a toujours eu une vie sentimentale compliquée : il est, depuis toujours, systématiquement attiré par des hétéros. Il a connu une époque où les lieux de drague ambiance L’Inconnu du lac, le film d’Alain Giraudie, n’étaient pas détrônés par Grindr.
Celle des rencontres inattendues dans des toilettes publiques, telles que documentées par le sociologue américain Laud Humphreys dans son livre, paru en 1970 et devenu un classique, Le Commerce des pissotières. Celle aussi des cinémas X sur les Grands Boulevards parisiens ou des sex‑shops.
“Il y avait une grosse clientèle d’hommes mariés qui passaient par là avant de rentrer chez eux rejoindre leur femme et leurs enfants”
“Avant les années 1990, un des rares endroits où on pouvait mater du porno gay, c’était le sex-shop, avec ses cabines privatives. C’était l’âge d’or de la VHS. Il y avait une grosse clientèle d’hommes mariés qui passaient par là avant de rentrer chez eux rejoindre leur femme et leurs enfants, se rappelle Laurent.
C’était pareil dans les dizaines de cinémas pornos, tous disparus, qu’il y avait à Paris, et qui projetaient des films hétéros. Comme il n’y avait que des mecs dans la salle, l’excitation aidant, on se branlait mutuellement, et on pouvait facilement négocier une pipe grâce à un basique langage des signes.”
Attiser la curiosité
Aujourd’hui, les applications de rencontre ont tout balayé sur leur passage. “Mais on croise beaucoup de ‘bicurieux’ sur Grindr, ce sont des mecs qui, en général, n’ont pas de photo de profil, ou, en tout cas, qui ne montrent jamais leur tête”, souligne Laurent. Il vaut mieux faire son marché sur d’autres applications moins associées à la communauté gay si on veut tomber sur la perle hétéro venue là “par hasard”.
Tinder, la plus célèbre, fait souvent des heureux. “En général, les mecs arrivent chez toi et ils disent : ‘j’embrasse pas, je suce pas’. Mais parfois il ne faut pas beaucoup leur en donner pour qu’ils se mettent à offrir leur cul. C’est normal, ils veulent aussi avoir ce qu’ils n’ont pas d’habitude.
Maxcel sait exactement ce qu’il veut : que les mecs hétéros “sortent leur bite”
Quand un hétéro fait lui-même la démarche d’aller vers un autre mec, c’est qu’il a une idée derrière la tête, même s’il ne sait pas très bien encore quoi. Ça m’arrive très souvent de tomber sur des mecs qui s’excitent devant du porno trans. Une meuf avec une bite que tu peux sucer et qui peut te prendre, c’est un fantasme assez récurrent chez des hommes qui ne se définissent pas très clairement.”
Maxcel, lui, n’a pas ce problème. Il sait exactement ce qu’il veut : que les mecs hétéros “sortent leur bite” de leur pantalon pour lui. C’est un fétichisme qu’il assume et revendique. Et il élève sa discipline au rang des beaux-arts. “Nulle tour n’est imprenable” serait sa devise, et rares en effet sont celles qui lui ont résisté. Il officie à Berlin, principalement en club et en milieu festif. Il a même eu son propre cabinet.
Un professionnel du “straight chasing”
“J’ai commencé, quand j’habitais à Buenos Aires, dans les chiottes d’un bar alternatif tenu par mes meilleurs amis, un couple hétéro, et où j’étais fourré tous les soirs. Souvent, j’allais aux chiottes pour me faire une trace, mais je restais aussi souvent là à tchatcher avec les gens qui faisaient la queue. J’étais connu pour demander à tous les hétéros de me montrer leur bite.”
Il y passait tellement de temps qu’un des chiottes a fini par lui être réservé et qu’ils ont écrit “Bureau de Maxcel” sur la porte. Quand le bar a déménagé, ils ont même emporté la porte pour la replacer dans leur nouveau lieu.
“Ils ne vont pas d’eux-mêmes faire ces choses, mais si quelqu’un les met au défi, ça réveille un truc en eux”
“Dès que tu remets en question leur identité, leur corps ou leur sens de la masculinité, ça provoque quelque chose de profond chez les hétéros, poursuit Maxcel. Ça les met dans une position vulnérable et les pousse à faire des choses qu’ils ne feraient pas normalement. Alors, bien sûr, ils ne vont pas d’eux-mêmes faire ces choses, mais si quelqu’un les met au défi, ça réveille un truc en eux.
Pour cette raison ça, la plupart des mecs diront : ‘Désolé, je suis pas gay, c’est pas pour moi.’ Qu’est-ce que ça a à voir avec le fait d’être gay ou hétéro ? J’ai juste envie de jeter un coup d’œil à ta bite !” Arthur, un hétéro en couple avec une fille, en a été la proie et confirme l’efficacité des talents de Maxcel. “Quand j’allais pisser, il insistait toujours pour venir se laver les mains au lavabo en même temps. Ça commençait à devenir voyant et, finalement, il est arrivé à ses fins. Mais si je l’ai fait, c’est que ça ne me déplaisait pas de le faire.”
“Ça commence par une bromance”
La qualité première du straight chaser est avant tout la patience. “J’ai parfois dû attendre un an et demi avant d’arriver à mes fins”, nous confie Victor. Cet Équatorien parti vivre à Miami au début des années 2000 a longtemps travaillé dans une banque, avant de se reconvertir il y a dix ans dans un métier passion.
Il a créé Beefcake Hunter – un site qui propose des vidéos pornographiques le montrant offrant ses talents à de grosses baraques hétéros qui ne se sont jamais fait sucer par un mec – et a connu un succès fulgurant. “Dans la culture machiste d’où je viens, les hommes préfèrent passer du temps ensemble. Ça aide d’avoir une apparence masculine et de ne pas faire trop pédé, sinon les mecs se sentiraient jugés par les autres de passer du temps avec un homo.
Quand mes potes hétéros m’invitent à un match de foot, j’y vais ; quand ils boivent de la bière, j’en bois une avec eux. Et en même temps ils savent très bien qui tu es et qu’au moment où ils ont besoin de quelque chose, tu es là pour les satisfaire. Une fois qu’on a compris comment les mettre à l’aise, on se rend très vite compte que c’est pas très difficile d’arriver à leur entrejambe.”
Victor a trouvé sa vocation sur le tard : quelques années à peine avant de créer son site, il publiait des annonces sur internet proposant ses talents de suceur hors pair à des hétéros qui en avaient gros dans le slip. De là, il s’est dit qu’il pourrait très bien en faire un business et payer les mecs pour qu’il les filme en action. S’il ne veut pas dire comment il trouve ses modèles, il précise que beaucoup sont d’un peu partout aux États-Unis. Il les fait venir à Miami.
“La femme d’un de mes acteurs se demandait ce qu’il allait faire là-bas et a commencé à fouiller dans son portable. Elle a trouvé les textos suspects d’une “fille” et a commencé à lui faire une crise de jalousie. Jusqu’à ce qu’il dise que c’était pour faire une vidéo avec moi. Là, elle a dit : ‘Ah ça va ! mais la prochaine fois je veux être dans la vidéo avec toi’.”
Voie passive, voie active
“Deux mecs ensemble, ça excite les filles, du coup, c’est parfois plus facile quand le mec est avec sa copine”, confirme l’expert Maxcel. Abou, jeune ingénieur originaire d’Égypte, en connaît aussi un rayon sur la question : “Ça commence par une bromance, c’est la base. Dans le monde arabo-musulman, une règle sociale tacite veut que si tu es actif, tu n’es pas gay, et que si tu es passif, tu es pédé.
Comme on n’a pas trop d’exutoires là-bas, ça arrive souvent que des mecs baisent avec des mecs. Il y a une dynamique de pouvoir entre celui qui prend l’initiative et va passer pour gay et celui qui attend que ça arrive, pensant qu’il affirme sa masculinité en ne faisant rien. Ça doit se faire progressivement et d’une certaine manière pour que l’autre ne s’intériorise pas comme homosexuel et qu’il continue à le faire.
No kiss and no light : si t’essaies d’embrasser le mec ou d’allumer la lumière, il va stopper direct. Et à la fin, on fait comme si de rien n’était. On n’en parle jamais… jusqu’à ce qu’on finisse par le refaire.”
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