L’incorrect et dément cinéaste américain John Waters nous fait l’honneur de se prêter au questionnaire sexe.
Dans votre nouveau livre, M. Je-Sais-Tout (Actes Sud, mars 2021), vous dites ressentir de la peine pour les jeunes d’aujourd’hui parce qu’ils et elles sont passé·es à côté des années de sexe débridé, avant l’arrivée du sida. Pensez-vous que le sexe soit devenu triste ?
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Non pas du tout. Je pense avoir grandi à une époque où, dans la communauté gay, le sexe se consommait de façon très frénétique, dans une sorte d’urgence d’autant plus décuplée par la clandestinité. Je suis ravi d’avoir vécu ça, mais l’époque a changé, et tant mieux. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que le sexe est moins débridé mais plus cool, plus libre, moins clandestin, moins interdit. La jeunesse contemporaine est peut-être “too cool to fuck”.
Vous souvenez-vous de votre premier émoi sexuel ?
C’était la première fois que j’ai vu Elvis Presley danser. Sa façon de bouger ses jambes, ses regards, les gouttes de transpiration qui roulaient sur ses tempes, tout chez lui était chargé d’un érotisme fou. C’est en voyant Le Cavalier du crépuscule de Robert D. Webb, avec Elvis dans le rôle principal, que j’ai en même temps découvert la masturbation et le fait que j’étais homosexuel.
https://www.youtube.com/watch?v=62J2ww4msTM
Vos films baignent dans une moiteur très sexuelle mais vous filmez rarement des rapports sexuels ou, lorsque vous le faites, c’est pour en pointer l’aspect tragicomique… Le sexe est une farce pour vous ?
J’ai toujours trouvé ça très étrange de vouloir filmer une “vraie” scène de sexe au cinéma. Je ne pense pas que les gens se masturbent devant mes films par exemple, ou alors c’est qu’ils·elles sont dérangé·es. Dans mes films, le sexe est lié à la question du fantasme, du ridicule et de l’exagération. Si mes films peuvent être sexuellement libérateurs pour certain·es, je pense que c’est parce qu’ils dédramatisent le côté ridicule et étrange du sexe et de nos fantasmes les plus farfelus.
Un film excitant ?
Théorème de Pasolini.
Dans votre livre, vous insistez sur l’importance du sexe oral, vous êtes notamment un ardent défenseur de l’anulingus, au détriment de la pénétration, que vous qualifiez d’intrusive et de fasciste. Mais au-delà de ça, quand commence pour vous un rapport sexuel?
À titre personnel, ce qui m’excite le plus est la façon dont une personne dégage un érotisme sans en avoir conscience, comme par exemple un homme qui enlève son T-shirt par pure commodité, sans savoir qu’il m’offre le plus beau spectacle qui soit. Mais ça peut aussi être un petit détail vestimentaire ou une façon de faire bouger ses cheveux. C’est la dimension accidentelle du signe sexuel qui me fait le plus d’effet. Je pense que l’on a tous et toutes un type d’érotisme très personnel, quelque chose de bien spécifique qui nous excite et se répète au cours de notre vie.
On peut l’analyser dans le cadre d’une psychanalyse, tenter de s’en libérer, peut-être y parvenir, mais cette pulsion érotique restera quelque part en nous. Et plus généralement, je dirais que le sexe est ce qui excite une personne lorsqu’elle est soit seule soit accompagnée d’une personne consentante, et là, il y a un rapport sexuel puisqu’il y a altérité. À partir de là, à chacun·e de laisser libre cours à son imagination.
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