Le nombre de séries a explosé depuis cinq ans, au point que certains soulèvent la question du trop-plein. Pas de panique!
Ce n’est pas pour râler, mais tous les concernés, ou presque, vous le diront : la vie d’amateur – et de critique – de séries est devenue quasi intenable, rythmée par d’incessantes nouveautés immanquables et des flopées de chefs d’œuvre en puissance qu’il est impossible de rater, sous peine de ringardise express. Vivre ou regarder des séries, faut-il choisir?
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Ce n’est pas seulement nous qui posons la question, mais certains des plus éminents journalistes américains, comme Alan Sepinwall, qui a publié en août sur Hitfix un texte intitulé “Is There Really Too Much Good Scripted Television”, que l’on peut traduire en français par “Y a-t-il vraiment trop de bonnes séries?”
Ce problème de riche enchanterait n’importe quel sériephile des années 70 à 90 – même si le mot n’existait pas encore, preuve que tout a changé. Il éclaire aujourd’hui une problématique qui met en jeu l’évolution du genre, à la fois économique et esthétique. Sepinwall a cité notamment une statistique donnée par John Landgraf, le patron de l’intéressante chaîne FX, selon laquelle le nombre de séries diffusées à la télévision américaine ou sur les services de streaming atteindrait probablement les 400 en 2015. Un chiffre énorme, en augmentation de 100% par rapport à 2009. Un rythme évidemment difficile à suivre, même pour les plus dévoués à la cause du binge watching.
180 séries sur le câble US en 2014
A force de dire partout que les séries vivaient un âge d’or, spectateurs et décideurs ont pris la chose très au sérieux. Rien n’est plus désirable aujourd’hui que d’en regarder une. Voire, si on en a le pouvoir, d’en écrire ou d’en commander une. Quel scénariste n’a pas le désir profond de vendre l’idée géniale qu’il a eu en prenant sa douche? Même en France, les chaînes reçoivent désormais des centaines de projets par an. C’est sur le câble américain, épicentre de la créativité sérielle contemporaine, que la croissance impressionne le plus.
En 1999, année de naissance des Soprano, vingt-cinq séries y étaient produites. Soixante-trois en 2008. En 2014, le câble US a fourni 180 séries à l’humanité. Les networks – grandes chaînes hertziennes –, dont la rentrée a lieu en ce mois de septembre, n’en mitonnent plus autant. Les conséquences ne mettent pas seulement en jeu notre temps de cerveau disponible. La plus positive reste qu’à condition de savoir choisir ce qu’on aime, jamais il n’a été possible de voir autant de très bonnes séries en même temps, de Louie à The Knick en passant par Mr Robot, Rectify, How to Get away with Murder, Transparent, Fargo, Better Call Saul, Sense8, Orange Is the New Black, UnReal, Girls, You’re the Worst, Broad City, Doll & Em, Halt and Catch Fire, The Americans, la liste est encore longue…
L’avénement des niches
Certaines, les plus fragiles, n’auraient pas existé dans le monde d’avant où la moindre faiblesse d’audience coûtait la vie à des perles potentielles. Les séries incarnent l’évolution de l’offre culturelle, qui privilégie les niches – petits marchés destinés aux fans d’un genre en particulier – au détriment des effets de masse. Il n’y aura plus jamais 50 millions de paires d’yeux pour regarder l’équivalent d’Urgences aujourd’hui – les séries très regardées en attirent environ 15 millions.
Mais des auteurs qui seraient restés muets ont leur chance de briller. Reste à trancher une question qui sera celle des années à venir : l’augmentation folle du nombre de séries va-t-elle nous perdre et détruire la qualité? Pour l’instant, c’est imperceptible. On tente quand même d’y répondre le plus vite possible, après avoir vu les vingt nouveaux épisodes qui nous attendent cette semaine, et la suivante, et la suivante…
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