Distillant ses questionnements à l’échelle d’un monde réel infiltré par des androïdes aux intentions divergentes, la quatrième saison de “Westworld” peine à réitérer le tour de force narratif et philosophique qui nous avait fasciné·es à ses débuts.
On retrouve Westworld comme on remettrait les pieds dans un pays qu’on a jadis arpenté, mais dont le territoire a tellement changé que la familiarité attendue se résout en une désorientation frustrante. C’est que la série créée par Jonathan Nolan et Lisa Joy, à partir du film Mondwest de Michael Crichton, a bien changé depuis sa première saison sortie en 2016 : elle avait mis à peu près tout le monde d’accord en hybridant western et science-fiction dans le creuset d’un parc d’attractions futuriste proposant à ses visiteurs de libérer leurs pulsions dans un far west peuplé d’androïdes.
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Questionnant les limites de la conscience et la notion d’humanité à travers une fresque à l’ambition démesurée doublée d’une réflexion sur les pouvoirs de la fiction, la série n’a cessé d’élargir son périmètre narratif, comme si elle voulait avaler l’univers tout entier… quitte à perdre son centre de gravité.
Si la deuxième saison, qui prolongeait les rêveries des androïdes en insurrection concrète, se révélait convaincante malgré une tournure plus spectaculaire et moins philosophique, le troisième chapitre, presque intégralement situé dans un monde réel soumis à la dictature des algorithmes, se perdait dans son propre labyrinthe, érodé par une esthétique futuriste sans originalité et des ramifications narratives confuses. La quatrième saison s’inscrit hélas dans cette lignée, à laquelle elle tente maladroitement de greffer de nouvelles thématiques.
Une confusion grandissante entre réel et virtuel
Sept ans après avoir vaincu Serac, homme d’affaires tout puissant décidé à contrôler la société grâce à une intelligence artificielle en partie nourrie par les données récoltées sur les visiteurs des parcs Delos, les androïdes indociles continuent de sillonner le continent au gré de leurs desseins divergents. Maeve (Thandiwe Newton) et Caleb (Aaron Paul) nouent une alliance pour lutter contre des “hôtes” qui semblent avoir infiltré les hautes sphères du pouvoir, William, l’homme en noir (Ed Harris), mène une croisade vengeresse au service de Charlotte Hale (Tessa Thompson) et Bernard (Jeffrey Wright) sort d’une longue veille avec un plan pour préserver l’ordre mondial.
Comme à chaque saison, cette nouvelle mouture de Westworld prend la forme d’un jeu à grande échelle dont on appréhende progressivement les règles, et dont l’objectif ne révèle sa véritable nature qu’une fois atteint. À l’horizon, un passage de niveau en forme de changement de paradigme associé à une réinitialisation ou un upgrade des personnages. Sur le chemin, une confusion grandissante entre le réel et le virtuel, où les techniques de bio-ingénierie et de contrôle mental sapent la désormais très fine membrane qui sépare les humains des androïdes.
Plus habile quand elle tentait de cerner le monde depuis le parc que de raviver l’esprit du parc à l’échelle du monde, Westworld multiplie les scènes dispendieuses (un épisode situé dans une nouvelle arène recréant le Chicago des années folles) et les fausses bonnes idées (des mouches de synthèse qui pénètrent les orifices humains pour contrôler leur cible) pour perpétuer un corps depuis longtemps enterré.
Au-delà de ses boucles narratives ou de ses appels de pied à la première saison, cet impossible remake s’incarne dans le personnage de Dolores, ex-leadeuse de l’insurrection des machines qui évolue désormais en tant que “Chrissie”, scénariste pour une boîte de jeux vidéo qui semble n’avoir aucun souvenir de ses aventures passées. Reprenant à la lettre l’argument de Matrix Resurrections, cet arc narratif pourrait cristalliser la ligne de crète sur laquelle tente aujourd’hui d’évoluer la série, tiraillée entre l’élargissement nécessaire de son univers et la tentation impossible de renouer avec son essence originelle.
Westworld saison 4, de Jonathan Nolan et Lisa Joy, avec Evan Rachel Wood, Thandiwe Newton, Aaron Paul, Ed Harris… Sur OCS City.
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