Adaptée d’une série australienne des années 1970, Wentworth raconte le quotidien de femmes en prison, entre guerres de clans, tentatives de réinsertion et luttes de pouvoir.
Le 11 juillet 2013 débarquait sur Netflix la première saison d’une nouvelle série américaine audacieuse, qui mettait en scène le quotidien de détenues dans une prison pour femmes. Différente, acide et mordante, Orange is the new black est devenue un phénomène mondial, appréciée par la critique et adulée par le public. À peine deux mois plus tôt, de l’autre côté du Pacifique, une autre série sur une prison pour femmes faisait ses débuts à la télévision australienne. Adaptée de la série des années 1970 Prisoner (1979-1986), Wentworth pose un regard sévère sur le système carcéral et scrute l’impact qu’il a sur ses détenues.
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La première saison débute avec l’arrivée de Bea Smith dans le pénitencier Wentworth, incarcérée pour tentative de meurtre sur son mari violent. Dans la série Prisoner, Bea est surnommée « Queen Bea » et règne déjà en maître sur la prison. Wentworth montrera son ascension. On assiste ainsi à son impressionnante transformation, de bête apeurée maltraitée par les « alpha females » à véritable despote redoutée de tout le personnel. Une telle évolution était jusque-là le plus souvent réservée aux personnages masculins : on pense notamment à Walter White, dernier héros en date à s’être métamorphosé en oppresseur au fil des saisons de la série de AMC Breaking Bad.
Pour autant Bea ne peut être considérée comme le personnage principal de cette série fondamentalement chorale. On trouve à ses côtés Franky Doyle, sa rivale, qui connait un destin contraire au sien. Au départ « top dog » (entendre, chef de son groupe de prisonnières qui font la loi dans les couloirs du pénitencier), elle s’agrippe tant bien que mal au pouvoir et n’hésite pas à avoir recours à la violence pour arriver à ses fins. « Tu sais combien c’est épuisant, d’être top dog ?« , lance-t-elle, « tu ne sais jamais si quelqu’un veut te baiser ou te frapper. » Pour se battre en tout cas, elle compte sur le soutien – et les muscles – de Boomers (Katrina Milosevic), une géante aux allures de guerrière qui devient rapidement l’un des personnages les plus touchants de la série.
La violence crue
Il serait vain de chercher un gentil et un méchant dans la prison de Wentworth. Tout le monde est susceptible de craquer, de frapper, de tricher, de manoeuvrer pour arriver à ses fins. La série ne se prive d’ailleurs pas pour mettre en scène des séquences extrêmement violentes, où le sang gicle et les couteaux fabriqués en plastique de brosse à dent fondu pénètrent la chair. La presse à repasser, immense machine barbare que les prisonnières manient quand elles sont de corvée de linge, est également utilisée à plusieurs reprises pour torturer les détenues qui ne se montrent pas assez collaboratrices. Un clin d’oeil cruel à une scène similaire de la série Prisoner, qui avait marqué les esprits australiens en son temps.
Les séries récentes qui se permettent une représentation crue de la violence font traditionnellement la part belle aux scènes de sexe, quitte à parfois en abuser. Ici pourtant, rien n’est montré à l’écran — on sait pourtant les clichés que véhicule l’univers carcéral féminin — . A part quelques baisés volés et scènes coupées, tout est suggéré. On regrette alors que le sexe, ainsi que l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ne soient que très peu abordés, comme l’histoire de Maxine, prisonnière trans un peu trop rapidement écartée des intrigues principales.
L’impossible réinsertion
Derrière cette effusion de violence et de relations instables, Wentworth propose en filigrane une critique amère du système de réinsertion post-carcéral. En l’espace des trois saisons déjà diffusée (dont la dernière s’est terminée en juin dernier), plusieurs détenues sont sortie de prison sous liberté conditionnelle, avant de commettre une infraction — souvent volontairement — dans le but de retourner derrière les barreaux, dans un monde dont elles maitrisent les codes. C’est tout le paradoxe du programme, où l’on souhaite que les personnages arrivent à quitter les lieux sans pour autant se réjouir lorsqu’ils y parviennent.
Là où Orange is the new black est une série ancrée et focalisée sur ses personnages – ce qui lui réussit -, Wentworth accorde tout de même une place principale à l’intrigue. On retrouve un système de narration plus classique, qui rythme ses épisodes à coups de cliffhanghers et éléments perturbateurs, tandis que chaque saison s’articule autour d’une ligne directrice bien précise. Une recette peut-être moins originale, mais intelligemment maitrisée.
Marie Turcan
Wentworth, saisons 1 à 3 sur SoHo, saisons 1 et 2 sur Canal Play en France
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