En partie imaginée par Jordan Peele, « Weird City », série anthologique d’anticipation aux faux airs de « Black Mirror », séduit par sa légèreté et son inventivité comique.
Deux hommes que tout oppose sont désignés comme âmes sœurs par une application de rencontre ; une étudiante tombe enceinte d’un bébé emoji suite à un échange de sextos ; une maison intelligente se montre maladivement possessive envers ses occupantes… Bienvenue à Weird City, la ville fictive divisée par un mur (d’un côté les riches connectés, de l’autre les laissés-pour-compte des réseaux) qui sert de cadre à la série d’anthologie créée par Jordan Peele et Charlie Sanders. Si chaque épisode déploie un récit indépendant, de nombreux personnages secondaires et gags récurrents assurent à l’univers sa cohérence et pimentent avec humour le miroir pas si déformant qu’il tend à notre société.
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On pourrait, pour rester dans le registre des reflets, envisager Weird City comme une anti-Black Mirror : si elle partage avec la série d’anticipation la plus populaire de ces dernières années une même inquiétude quant à la part grandissante des écrans et autres technologies numériques dans nos vies, elle préfère, à la cruauté, le rire comme principal levier de démonstration.
L’anticipation par la veine parodique
En troquant la fable cynique contre la satire bouffonne (exercice parfaitement maîtrisé par Jordan Peele depuis les sketches télévisés réalisés avec son compère Keegan-Michael Key), les créateurs du show n’évitent pas toujours les écueils de la parodie – hystérie permanente, humour un peu poussif – mais séduisent par leur bienveillance envers les personnages. Chaque épisode dresse patiemment un piège qui, contrairement à ceux de Black Mirror, ne se referme pas entièrement, laisse passer un filet d’air, ménage une porte de sortie.
Le versant pauvre de la frontière se révèle, malgré ses défauts, plus vivable que son voisin privilégié, start-up de l’angoisse aux contours trop lisses
De Mortal Engines ou Alita: Battle Angel, côté ciné, à 3 %, Trepalium ou Altered Carbon, côté séries, le monde physiquement coupé en deux pour séparer les classes sociales est devenu un motif récurrent de la science-fiction dystopique. La frontière posée, il s’agit d’esquisser des chemins de traverse, voire d’entreprendre un travail de sape. On comprend ici peu à peu que le versant pauvre de la frontière se révèle, malgré ses défauts, plus vivable que son voisin privilégié, start-up de l’angoisse aux contours trop lisses, pétrie de novlangue et régie par le culte de l’apparence. À défaut de faire tomber le Mur, Weird City l’ébranle en douceur par le rire.
Weird City de Jordan Peele et Charlie Sanders, avec Awkwafina, Sara Gilbert, Gillian Jacobs. Saison 1 sur YouTube Premium
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