Eclectique, passant du drame social au gore, la websérie « Wayne » revisite le récit initiatique de manière crue, violente et déjantée. Un road trip ado qui dresse au passage le portrait d’une certaine Amérique.
Des séries qui arrivent de partout, sans prévenir, voilà le quotidien des amatrices et des amateurs du genre, qui tapent des URL autrefois improbables pour espérer y trouver de la fiction. YouTube était restée relativement discrète depuis le lancement d’une offre datant de quelques années, mais voilà que le géant se réveille et propose, sous la nouvelle appellation YouTube Premium – son service par abonnement – une vraie surprise coupante.
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Un peu comme Sorry for Your Loss (Facebook Watch) avait étonné tout le monde à l’automne, en proposant une belle étude du deuil d’une jeune veuve, Wayne revisite le genre vu et revu du récit initiatique ado de manière crue. Soit l’histoire d’un lycéen hors caste qui a le don de se faire frapper (il en demande encore et il répond deux fois plus fort) avant de se retrouver assez vite sur la route, accompagné d’une fille pour laquelle il ressent souvent autre chose que de la colère, même s’il ne sait pas très bien ce dont il s’agit.
Car Wayne et Del partagent en quelque sorte leur colère plutôt que de la subir, ils la dispersent quand c’est possible, et essaient d’avancer avec un but faussement futile en tête : retrouver la voiture du père de Wayne, qui est par ailleurs en train de mourir d’une maladie liée à son travail.
Le ton de Wayne s’avère éclectique, passant du drame social teenage à la comédie d’action quasi gore en un clin d’œil. Le créateur, Shawn Simmons, a travaillé sur quelques séries adolescentes depuis une petite décennie, tandis que les producteurs Rhett Reese et Paul Wernick ont mis au monde les blockbusters violents Deadpool, tirés de l’univers Marvel.
Mélange de genres
On pense parfois aussi à l’intéressante série de Channel 4 The End of The Fucking World, qui racontait, l’année dernière, l’histoire de deux jeunes en fuite et dont la deuxième saison est attendue sous peu. Mais ce mélange des genres à l’œuvre est parfois limité, voire légèrement antipathique. Il arrive que l’on se demande pourquoi les moments de brutalité se succèdent à intervalles réguliers, sinon pour crisper celui ou celle qui regarde.
Or la crispation et la dureté sont déjà là, beaucoup plus intéressantes quand elles ne sont pas soulignées par un éclat de sang. Au-delà d’une double crise de croissance assez classique, c’est la rage des enfants abandonnés que filme Wayne avec une sensibilité palpable et une énergie sophistiquée.
30 millions de vues en quelques jours
Pour capter cela, il suffit d’un échange de regard, d’un accès de tristesse autodestructrice, qui n’ont pas forcément besoin d’en mettre plein la vue. Et Wayne sait le faire. C’est donc une question d’équilibre. Promise à un brillant avenir – 30 millions de vues en quelques jours pour le premier épisode, mis à disposition gratuitement – la série gagnerait probablement à moins montrer les muscles, même si elle ne semble pas en avoir très envie. On la prendra donc comme elle se présente, avec ses défauts, d’autant plus qu’elle dresse le portrait finalement juste d’une Amérique blanche paumée qui ne respecte plus les règles et ne croit plus en l’avenir.
Wayne de Shawn Simons, avec Mark McKenna, Ciara Bravo, Jamie Champagne. Saison 1 actuellement sur YouTube Premium.
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