Martin Scorsese, Mick Jagger… Qui aurait pu rêver meilleur casting pour mener à bien une série sur la scène musicale new-yorkaise des années 1970 ? Attendue avec impatience, Vinyl arrive enfin sur HBO et OCS City.
Depuis qu’il a été annoncé par HBO il y a déjà quelques hivers, le projet Vinyl faisait trépigner d’impatience à la fois les fans de Martin Scorsese et ceux de Mick Jagger, les deux fortes têtes du cinéma et du rock ayant décidé de s’associer pour raconter l’agitation musicale des seventies à New York.
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La présence de Terence Winter, ancien des Soprano et scénariste du Loup de Wall Street, sentait même l’accord parfait. On craignait tout juste un esprit ancien combattant, Scorsese (réalisateur du pilote et producteur) et Jagger (producteur) revenant à cette occasion sur leurs années de trentenaires starifiés, où le moindre concert accueillait des icônes à faire pâlir les paquets de kids d’aujourd’hui accros au son vintage.
Le pilote de Vinyl dépasse les promesses
Comment dire que les compères se sont joyeusement surpassés ? Le pilote de Vinyl dépasse les promesses et bouder notre plaisir frôlerait la faute de goût. Voici un objet visuel et sonore vénéneux, où la nostalgie s’évapore et les passions folles d’une époque remontent à la surface en un éclair.
Un éclair comme cette sublime scène inaugurale, quand le héros Richie Finestra (le semi-inconnu Bobby Cannavale, évident en une poignée de secondes), patron de label musical en difficulté, écroulé-défoncé dans sa voiture, s’apprête à entrer dans une salle de concerts pour une soirée qui va changer sa vie.
En 1973, New York est un bordel furax où la fange côtoie le sublime
En voix off cassée, l’animal prend soin de nous prévenir : “Je m’en souviens comme ça, même si c’est brouillé par des nuages de conneries et de coke.” Au vu du premier épisode de Vinyl, le seul qui ait été transmis à la presse au moment où nous écrivons ces lignes, Scorsese se souvient de 1973 à New York comme d’un bordel furax où la fange côtoyait une forme de sublime. Une année de grand ménage et de pertes d’illusions, quand l’élan des sixties était cliniquement mort mais la folie à suivre pas encore vraiment définie. Un temps de latence suspendu qui rend toutes les explosions possibles.
Au milieu du chaos, dans cette ville sale, dangereuse et cruelle, Richie Finestra tente de rester debout, sans savoir si l’œuvre de sa vie (son label cartonnait jusqu’à présent) ne va pas s’écrouler en un souffle (il est sur le point d’être racheté).
Une puissance visuelle digne des meilleurs films de Scorsese
Epuisé, Richie Finestra s’endort dans des apparts grandioses avec moquette trop épaisse et baies vitrées irréelles. C’est un type violent, attachant, calculateur, sincère à sa façon, une figure de la masculinité blessée et grotesque pas vraiment nouvelle, mais en cohérence avec l’univers de Scorsese, qui pourrait en détenir le copyright.
Avec ce pilote coup de fouet, Marty semble d’ailleurs se venger avec une joie de sale gosse d’avoir été pillé depuis vingt ans par les séries et leurs antihéros – des Soprano à Breaking Bad – en montrant qui est le patron. Il donne à la rencontre naturelle entre petit et grand écran l’une de ses expressions les plus accomplies. Il lui aura fallu un peu de temps.
Son premier essai en tant que réalisateur télé, le pilote de Boardwalk Empire en 2010 (déjà écrit par Terence Winter), n’avait pas la même ampleur. Ici, certaines lois immuables du récit sériel, comme l’exposition, voire la rétention narrative, ne l’empêchent absolument pas d’exprimer une puissance visuelle digne de ses meilleurs films.
Un monde en train de disparaître
Lors d’une conférence de presse à Los Angeles, l’auteur de Mean Streets a raccordé Vinyl aux motifs de sa filmographie. “J’ai toujours aimé ce genre d’histoires, que j’ai vu se dérouler devant mes yeux. Des mecs comme dans Les Affranchis ou Casino, au volant de leur Cadillac, portant un costume à mille dollars et les pompes qui vont avec, les ongles manucurés, les cheveux soignés, mais dont la chute était déjà visible.”
“Je crois que mon amour pour un film comme Le Guépard de Visconti vient de là, parce qu’il raconte l’histoire d’un homme qui comprend que sa manière de vivre, le monde qu’il connaissait, tout cela est en train de disparaître. (…) Le drame vient de la stupéfaction et de la confusion qui surgissent, quand ce que l’on tenait pour la réalité se dissout.”
Avant que le monde sensible ne s’effondre, faisons la fête une dernière fois. Vinyl ne s’en prive pas et s’en donne les moyens, plongeant à coups de décors ahurissants, de perruques crédibles et avec des droits musicaux suffisants – vrais et faux titres se mêlent – dans l’époque de Bowie, Bob Marley, Lou Reed, Led Zeppelin, Patti Smith, Lester Bangs, David Geffen, Abba et Iggy, du hip-hop naissant au punk en devenir, incarné ici par un groupe fictif dont le frontman n’est autre que James Jagger, fils de son père à l’aura sexuelle digne de lui.
“Le punk, le disco et le hip-hop ont été inventés à New York”
Interrogé en même temps que Martin Scorsese, Terence Winter, qui avait 13 ans en 1973 et habitait Big Apple, a frétillé d’aise : “J’ai choisi cette année-là car le punk, le disco et le hip-hop ont été inventés à New York durant une période de six mois, sur un rayon de dix kilomètres. Le premier mix hip-hop a eu lieu pendant l’été dans le Bronx. C’est aussi le moment où les New Yorks Dolls ont ouvert la voie aux groupes prépunk comme Television et les Ramones. Une période très intéressante pour la musique, fertile et irrésistible.”
Dans sa volonté de ne rien laisser de côté, dans ses rêves de grandeur dont seuls les épisodes à venir diront la pérennité, Vinyl a prévu quelques flash-backs, notamment au milieu des années 1960, quand la femme de Richie (Olivia Wilde) se pavanait en superstar warholienne et traînait avec les membres du Velvet Underground, période Exploding Plastic Inevitable. Les décorateurs ont eu carte blanche pour recréer la Factory et la mythique salle de concerts Max’s Kansas City. Comment ne pas avoir envie d’y habiter, là, tout de suite ?
Vinyl sur HBO et OCS City
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