Drôle, touchante et souvent terriblement cynique, la comédie de HBO a encore une fois réussi une saison incroyable, tout en nuances et parfois terriblement émouvante. Avec une Julia Louis-Dreyfus au sommet de son art.
Voilà quatre ans qu’elle rafle tout sur son passage. Avec quatre victoires aux Emmy Awards dans la catégorie meilleure comédie et de nombreuses nominations aux Golden Globes, Veep est considérée comme une des meilleures séries comiques actuelle. Ces cérémonies qui récompensent le meilleur des séries ont souvent tendance à être critiquées pour leur choix trop consensuels, pas assez risqués. La comédie de HBO est l’exception qui confirme la règle.
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« Beaucoup de gens ne veulent pas que je sois présidente », déclare Selina Meyer, devenue présidente des Etats-Unis par intérim, à présent en campagne pour sa réélection « officielle ». Julia Louis-Dreyfus, qui prête ses traits à la femme politique dont on suit l’évolution depuis cinq saisons, est en robe de chambre dans le bureau ovale, les lumières éteintes. Elle allume une clope, les yeux écarquillés et le regard dans le vide. « Tu veux savoir pourquoi? Car fondamentalement, les gens détestent les femmes. Ils ne s’arrêteront jamais avant d’avoir réussi à me dégager d’ici« , lance-t-elle à à sa plus proche conseillère.
On est en plein dans ce que Veep fait de mieux : des fulgurances féministes enrobées dans une situation absurde, portée par des actrices et acteurs capables de sublimer une scène avec à peine quelques mimiques. Dans cette séquence au milieu du sixième épisode de la série, le système bancaire américain est sur le point de s’effondrer et créer le plus grand krach depuis 1929. Mais Selina dédie toute son énergie à une enquête beaucoup plus importante : trouver lequel de ses collaborateur l’a traitée de « pute » (« The C word » pour « cunt » en anglais) derrière son dos, comme l’a rapporté le site Politico. Il se trouvera qu’ils l’ont tous fait, à moult reprises.
Julia Louis-Dreyfus au sommet de son art
Depuis cinq ans, la performance de Julia Louis-Dreyfus est encensée par la critique. Ce cinquième volet achève de la sacrer reine de la comédie. Dotée des meilleures punchlines de la série (« Le général George Washington en personne pourrait sortir de sa tombe à cet instant précis et je préfèrerais bouffer son anus de zombie deux fois par jour plutôt que de redevenir vice-présidente »), elle transforme n’importe quel dialogue en or. Une seule intonation, un regard ou un geste avec son habituelle démarche mi-irritée mi-impatiente suffit à provoquer des fous-rires incontrôlables. Et pourtant en une phrase, tout peu basculer.
Interviewée par sa fille Catherine qui tourne un documentaire sur « les coulisses de la Maison-Blanche », Selina Meyer doit se rappeler du moment où elle a décidé qu’elle voulait devenir présidente des Etats-Unis. Elle commence à raconter comment son père lui a présenté Nixon quand elle avait 8 ans :
« Mon père m’a dit : « Tu sais, beaucoup de gens n’apprécient pas Nixon. Mais dieu qu’ils le respectent. Et ça, c’est comme toi, ma chérie. »
A mesure que la présidente par interim développe son histoire, son visage se crispe, ses yeux s’agitent de gauche à droite, son sourire se change progressivement en grimace douloureuse. Brusquement, celle qui nous faisait rire nous attriste. Et nous touche profondément.
Du pathétique au milieu du comique
Dans cet avant-dernier épisode magistral (Kissing your sister), Veep brise ses codes narratifs habituels — la série est filmée caméra à l’épaule dans un style « mockumentaire » — et met en scène le documentaire de Catherine. On revient alors sur différentes scènes de la saison, mais filmées sous un angle différent, souvent à travers le regard d’un autre personnage. Où l’on apprend que pendant des mois, tous les protagonistes ont cherché à se débarrasser de Mike, l’attachant attaché de presse, sans qu’il — tout comme le téléspectateur — ne se doute de rien.
On pouvait craindre le pire avec le départ du créateur de la série Armando Iannucci, l’esprit brillant qui avait déjà produit The Thick of it, pépite britannique dont Veep est adaptée. Mais David Mandel, ancien producteur de la série culte Curb Your Enthusiasm avec Larry David, s’est montré à la hauteur des ambitions patho-comiques de Veep. Il a ainsi saisi l’opportunité de « creuser le personnage de Selina », comme il l’a relaté au Hollywood Reporter, notamment dans le quatrième épisode bouleversant qu’il a lui-même surnommé « le guide pour affronter la mort selon Veep ».
Dans Mother, la mère de Selina est sur son lit mort à l’hôpital, et cette dernière ne parvient pas à s’en émouvoir, trop concentrée sur les résultats d’un décompte de voix très serré. Il faudra qu’elle apprenne sa défaite électorale devant sa mère déjà débranchée pour laisser échapper un « j’ai tant… perdu », sans que l’on ne puisse être certain de l’objet de sa tristesse.
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