Avec une troisième saison plus ancrée dans la satire politique que les précédentes, le créateur de « Veep » Armando Iannucci revient à ses premiers amours, et offre à Julia Louis-Dreyfus l’occasion de se muer en un animal politique absurde mais pugnace. Un régal.
Qui eut cru que Selina Meyer pouvait être plus drôle en tant que candidate qu’en tant que vice-présidente des Etats-Unis ? C’est pourtant ce qu’a montré la troisième saison de Veep, qui vient de se terminer en apothéose sur la chaîne câblée américaine HBO. Une consécration pour son créateur Armando Iannucci, qui est revenu à ses premiers amours en orientant les enjeux de cette saison autour de vrais sujets brûlants de politique américaine.
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Dans In The Loop (2009) faux documentaire anglais peu connu du grand public, Iannucci parodiait les méthodes des diplomates américains et anglais au moment où les Etats-Unis ont déclaré la guerre en Irak au début des années 2000. Une satire qui soulevait des observations bien réelles – et parfaitement désespérantes – sur la nature des décisions politiques.
Ridiculiser ou être ridiculisé
La saison 3 de Veep se rapproche de ce cynisme, cher à son créateur. Elle gagne ainsi en épaisseur, tout en refusant d’en donner plus à ses personnages. En trois ans, l’équipe de bras cassés qui entourent la vice-présidente a en effet évolué (Dan est tombé en dépression, Mike s’est marié, Gary a une petite amie) mais sans aucun effet sur le scénario.
Veep est drôle car ses protagonistes sont là pour cogner ou être cognés, pour ridiculiser ou être ridiculisés. A l’inverse de séries acides comme Parks and Recreation qui ont doucement évolué vers un regard plus tendre sur leurs personnages, Veep garde tout son mordant en refusant catégoriquement de les rendre plus attachants.
Un regard plus acerbe sur la politique américaine
Selina Meyer a troqué ses occupations anecdotiques de vice-présidente (la fonction étant représentée comme un épouvantail, position creuse sans véritable pouvoir) pour se consacrer à la campagne des élections présidentielles, ayant appris que le président ne se représentera pas pour un second mandat. Celle que l’on avait plutôt l’habitude de voir se battre pour l’instauration de cuillères en matière recyclable dans les bureaux de la Maison-Blanche aborde à présent des sujets aussi épineux que l’avortement ou l’immigration.
C’est ici que Veep prend véritablement la forme de satire politique : lors des débats incompréhensibles entre des candidats qui ne misent que sur un point pour être élu (le gouverneur Danny Chung qui rappelle son passé de vétéran à toutes les sauces, l’ancien coach de baseball qui abuse des métaphores sportives) ou lorsque Selina monte sur un cageot « improvisé » pendant de ses déplacements, pour donner l’impression de parler au peuple, alors que ce cageot a en fait été renforcé avec du métal et a coûté 1200 dollars à fabriquer.
Vider les mots de leur sens
Mais ce qui fait de cette troisième saison de Veep une parodie à la fois fine et acerbe est surtout sa capacité à jouer avec les mots. Dans le premier épisode, l’incohérent titre du livre de Selina Meyer (qu’elle n’a évidemment pas écrit) annonce la couleur : « Some New Begginings : Our Next American Journey » (quelques nouveaux départs : notre prochain voyage américain). Tout au long des 10 épisodes, le discours politique est tourné en ridicule : les mots n’ont pas besoin d’avoir du sens, tant que la personne qui les prononce le fait avec engouement et assurance.
Les positions de Selina sur l’immigration doivent également correspondre aux « trois R » que son nouveau communiquant a inventé pour elle : « réformer, réaffirmer et renouveler ». Sauf lorsqu’elle oublie le troisième « R » et qu’elle le remplace par « repousser », un mot beaucoup plus fort qui implique, pour la première fois, une position politique ferme. De quoi faire paniquer son entourage, plutôt habitué aux idées floues et aux opinions changeantes.
Au milieu de cette campagne politique, Julia Louis-Dreyfus incarne à merveille la femme politique à la fois stratège (les fameux « trois R ») et naïve (une relation furtive avec son coach sportif Ray), convaincue (une nouvelle coupe de cheveux courte) et désillusionnée (la promotion dépassionnée de son livre). Sublimée par un casting toujours plus juste, elle excelle dans cette troisième saison, dont l’intrigue sur le long terme permet de fidéliser le téléspectateur et l’impliquer encore plus dans les enjeux politiques, à présent sérieux. Selina Meyer, présidente des Etats-Unis : voilà qui promet une saison 4 riche en absurdes rebondissements.
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