Cette histoire d’amour, de frustrations et de chassé-croisé rassemble deux êtres dont l’un ne peut tenir en place temporellement. Un curieux projet plutôt convaincant.
L’amour n’est chose aisée pour personne. Mais pour peu que votre compagnon ou compagne soit un·e habituée·e du voyage temporel, atteint·e d’une mystérieuse affliction le ou la propulsant de manière aléatoire et incontrôlée à différentes étapes de son existence (et par extension de la vôtre), alors maintenir la flamme finit par ressembler à un chassé-croisé dédaléen à travers le temps.
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C’est le lot (parfois la bénédiction) de Clare (Rose Leslie) qui, à 8 ans, rencontre dans une clairière l’homme de sa vie. Petit obstacle : celui-ci a la trentaine bien tapée et a vécu (ou alors vivra, c’est selon) avec la Clare du futur une romance passionnée. C’est que Henry (Theo James) est un voyageur temporel qui l’a rencontrée quand elle avait 20 ans, avant de la retrouver dans son passé, qui est en quelque sorte son futur à lui, si tant est que ces repères aient encore un sens. Un Doliprane ?
Casse-tête romanesque
Adaptée d’un best-seller d’Audrey Niffenegger paru en 2003 (en français : Le temps n’est rien), The Time Traveler’s Wife fut un temps dans les tiroirs de Steven Spielberg et Gus Van Sant, qui se heurtèrent à des imbroglios de production au moment de l’adapter sur grand écran.
Si un film (dispensable) signé Robert Schwentke vit bien le jour en 2008, c’est à Steven Moffat (Doctor Who, Sherlock) qu’incombe la tâche corsée de transmuter ce casse-tête romanesque en mini-série de six épisodes, pilotée par HBO.
Habitué aux manipulations quantiques et autres apories temporelles (rappelons que Doctor Who, dont il a pris les commandes en 2008, est un extraterrestre multicentenaire voyageant à travers le temps et les dimensions), Moffat prête à ce récit entortillé, calibré pour faire fumer les méninges, sa capacité à rendre lisibles la non-linéarité et l’enchevêtrement d’époques intrinsèques au projet.
On saute sans préavis du drame sentimental grandiloquent à la comédie potache
Pourtant, The Time Traveler’s Wife est de ces séries dont on fantasme ce qu’elles auraient pu être à mesure qu’on les regarde. Non pas qu’elle soit ratée (l’affaire a ses fulgurances), simplement que la promesse du vertige ontologique qu’elle pourrait inoculer se voit rétrécie par la forme qui doit nécessairement la cloisonner.
Généreuse et habilement architecturée
Chez Moffat, ce rétrécissement consiste en un mélange des genres un peu baroque, où, comme Henry à travers les époques, on saute sans préavis du drame sentimental grandiloquent à la comédie potache. Et si l’habileté à jongler avec les registres, comme l’élégance toute britannique de son écriture à double détente goulûment allusive, fait partie de l’attirail du showrunner, elles sapent parfois la promesse d’un ébahissement.
Et lorsque point, finalement, le vertige qu’induisent les voyages temporels (des interrogations insolubles sur la prédestination au tournis existentiel de retrouver son moi du passé, en passant par le vice larvé d’un homme mûr qui rend visite à la fillette qui deviendra sa femme), il est bien souvent désamorcé par les bouffonneries d’un Theo James invariablement badin et un peu gonflant, et quelques tics de mise en scène ampoulés.
Généreuse et habilement architecturée, parfois un brin kitsch, The Time Traveler’s Wife est un curieux objet, dont on aurait aimé qu’il soit autre chose tout en se demandant bien ce qu’il aurait pu être d’autre. Un Doliprane, définitivement.
The Time Traveler’s Wife de Steven Moffat, avec Theo James, Rose Leslie. Sur OCS.
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