Très attendue, la nouvelle série de l’un des créateurs d’ »Homeland » empile les clichés sur le Moyen-Orient et la vie en général. Courage, fuyons.
Dans une enquête du Hollywood Reporter parue deux semaines avant la diffusion du premier épisode de Tyrant, on apprenait l’histoire mouvementée de la série, pourtant l’une des plus attendues de l’année. Jusqu’alors, on ne se doutait de rien. Tout juste avait-on relayé l’information selon laquelle Ang Lee, approché pour réaliser le pilote, avait dû jeter l’éponge pour des raisons d’agenda. C’était il y a plusieurs mois.
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Mais tout à coup, on comprenait qu’une dramaturgie probablement inégalable s’était mise en place en coulisses, entre les multiples versions du scénario, le déplacement du tournage d’Israël au Maroc, le départ du créateur Gideon Raff (réputé pour avoir écrit Hatufim et participé à Homeland, son adaptation américaine) ou encore les soucis de David Yates, le réalisateur embauché à la place d’Ang Lee. Alors que celui-ci se montrait incapable de s’adapter aux spécificités de la télévision – il a mis en scène quatre opus d’Harry Potter depuis 2007 -, la chaîne FX a dû engager un tâcheron pour retourner plusieurs séquences.
Après visionnage du pilote, le plus amusant (ou consternant, c’est selon) se trouve dans la constatation suivante : le pire n’était pas encore arrivé. Il reste même peut-être à venir, en tous cas pour le spectateur. Alors, tremblons. Par quelque bout qu’on la prenne, esthétique, politique ou strictement scénaristique, Tyrant s’avère un échec embarrassant, presque un accident industriel, le premier véritable « fail » de la carrière d’Howard Gordon, l’un des scénaristes télé les plus expérimentés en Amérique (24 heures chrono, Homeland, etc.), désormais seul aux commandes en tant que showrunner.
Une infinie bêtise
Le point de départ de Tyrant ne manquait pourtant pas d’attraits, avec son personnage de pédiatre américain d’origine arabe émigré aux Etats-Unis et forcé de revenir vingt ans plus tard dans le pays où il est né, accompagné de sa famille américaine gentiment dysfonctionnelle. Son père était et reste un dictateur à la mode syrienne ou anciennement libyenne – même si la série se déroule dans l’Etat fictif de Baladi. Bassam (dit Barry) Al Fayeed se trouve replongé malgré lui dans un univers qu’il a fui à l’adolescence. A son arrivée, des souvenirs violents refont surface et tout se dérègle en lui. Un schéma shakespearien classique à base de père destructeur et de fils indélicats, que la série essaie de mêler à l’atmosphère spéciale de cette région du monde, la tension qui règne dans certains pays deux ans après le printemps arabe. « Je leur donne l’ordre et la prospérité. Tout ce qu’ils veulent, c’est le chaos », affirme le patriarche à son fils.
A partir de ce canevas, le problème de Tyrant n’est rien d’autre que son infinie bêtise. Une poignée de scènes correctes ne change pas l’orientation d’un pilote douteux, où chaque rebondissement hystérique semble appartenir à des temps révolus de la série moderne, où un acteur blanc joue un personnage principal arabe comme il y a cinquante ans, où rien ne semble fluide ni véritablement pensé. Le sommet est atteint avec le personnage du frère de Barry, Jamal (Ashraf Barhom), caricature de bête humaine, violeur patenté et fan de Ferrari avec rock FM à pleins tubes. Avec lui, Tyrant atteint son point limite et se désintègre sous nos yeux.
C’est triste en plus d’être révoltant, car Howard Gordon n’a vraiment rien d’un imbécile ni d’un raciste. Ce soutier chevronné d’Hollywood a souvent eu le mérite de prendre en compte le contexte géopolitique mondial dans ses séries pour tenter d’y glisser un peu de subtilité. Il a même su inventer une figure fascinante et tordue – Carrie Mathison dans Homeland. Cette fois, c’est raté.
Tyrant, sur FX
http://www.youtube.com/watch?v=UfvKhQXC_lA
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