Bien qu’animée de bonnes intentions, “Two Summers” n’échappe pas au piège qui la guettait en investissant un sujet hautement périlleux : celui d’un viol collectif au sein d’un groupe d’ami·es, longtemps tenu secret.
“On n’oublie rien, de rien, on n’oublie rien, du tout.” La voix chevrotante de Jacques Brel résonne non sans une pointe d’ironie morbide dans le générique de Two Summers, série belge tournée en langue flamande, actuellement diffusée sur Canal+. C’est qu’il y est question du poids du passé, de lourds secrets, très lourds, qu’on croyait profondément enfouis, et qui refont surface, charriant avec eux une culpabilité dévorante, des cicatrices béantes et une colère amplifiée par 30 ans d’un silence assourdissant.
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Belgique, été 1992. Un groupe d’ami·es passe ses vacances d’été dans une luxueuse maison avec piscine. Le temps est à l’insouciance : on flirte, on fait la fête, on se dit qu’on aura toujours 20 ans. Mais le séjour vire au cauchemar quand l’un d’eux meurt dans un terrible accident. 30 ans plus tard, Peter et Romée, couple formé lors de cet été décisif, décident d’inviter ce même groupe d’ami·es sur une île privée du sud de la France. Le jour du départ, Peter reçoit une vidéo datant de ce tragique été, montrant le viol collectif d’une de leurs amies, alors inconsciente. Les images sont accablantes et on le fait chanter. Peter est persuadé que l’expéditeur de la vidéo se trouve parmi les invité·es. S’ensuivra un jeu de dupes, aux implications délétères, visant démasquer le maître chanteur ou, à l’inverse, à faire éclater la vérité au grand jour.
Un sujet explosif mais mal exploité
De ce sujet brûlant, potentiellement explosif, Tom Lenaerts et Paul Baeten (déjà auteurs de la série Over Water) tirent une mini-série ambiguë, à la fois pétrie de bonnes intentions et pourtant jamais pleinement à la hauteur de ce qu’elle dénonce avec une ambivalence coupable. Si Two Summers aborde des questions salutaires – l’impunité de violeurs avérés, les traumatismes indélébiles de la victime, l’omerta qui dans les boys club est la règle –, elles sont diluées dans un dispositif formel invasif qui finit invariablement par les desservir.
Construite à la manière d’un murder mystery, où il s’agit de démasquer non plus un meurtrier mais un “délateur”, la série semble finalement plus attachée à la résolution de son intrigue qu’à la résonance sociale du sujet abrasif qui l’occupe, et dont elle aurait pu être un amplificateur avisé. En disséminant des indices sur l’identité du maître chanteur, elle fait participer les spectateur·ices à l’enquête et enferme ses visées militantes dans un dispositif ludique peu à propos.
On parle dans Two Summers de libération de la parole, des retombées positives du mouvement MeToo, de société patriarcale à l’agonie et de sororité en ordre de marche, mais ces sujets – parfois abordés avec un soupçon d’opportunisme – sont systématiquement déchargés de leur gravité face aux mécaniques narratifs mises en place.
Pour le reste, la mini-série en six épisodes jongle avec plus ou moins d’habileté entre deux époques (de manière un peu brouillonne dés qu’il s’agit d’identifier les différents personnages à trente ans d’intervalle), et bénéficie d’acteur·ices au diapason et de quelques trouvailles de mise en scène. Hélas, elle ne parvient jamais vraiment à se départir du sujet hautement inflammable qu’elle investit imprudemment.
Two Summers, sur Canal+ le 27 juin.
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