Retour sur l’ultime épisode très attendu de Desperate Housewives, diffusé le 13 mai aux Etats-Unis. A voir fin juin sur Canal+.
Le glas a sonné dimanche 13 mai, huit ans après les premiers pas de Bree sur les pelouses trop vertes de Wisteria Lane. A cause d’audiences en berne, il était prévu depuis un an que la saison 2011-2012 de Desperate Housewives ne connaîtrait pas de suite, ce qui a laissé à son créateur Marc Cherry tout le temps nécessaire pour réfléchir à sa sortie. S’il n’est pas question de revenir sur la baisse de qualité des aventures de nos ex-meilleures copines, observable depuis plusieurs années et largement confirmée récemment, saisissons l’occasion de mettre en lumière cette unité indépendante qu’est un dernier épisode d’une série – appelons cela un DES. Desperate Housewives mérite au moins ça.
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http://www.youtube.com/watch?v=GVBCqGtkvvA
Tout comme les pilotes (premiers épisodes), les DES possèdent un rare privilège dans le monde des séries, celui d’exister par eux-mêmes. Ce sont de petites bulles closes dans un univers narratif ouvert. Au coeur d’un monde sans clôture, ils sont l’exception que personne n’oubliera. Les amateurs les classent à part, comme des blocs de souvenirs insécables, des monuments intimes.
Rien n’est plus adulé ou plus honni qu’un DES. Diffusée en 1968, la fin du Prisonnier a immédiatement fait polémique et continue encore de diviser. Il y a deux ans, la conclusion théorique et oecuménique de Lost a coûté à son cocréateur Damon Lindelof des flopées d’insultes sur son compte Twitter.
Parmi nos préférés dans l’histoire moderne, citons trois derniers épisodes magnifiques : celui de Seinfeld en 1998, parfait concentré des obsessions répétitives de cette grande comédie ; celui de The Shield en 2008, d’une cohérence morale stupéfiante avec les errements de son personnage principal ; celui de Friday Night Lights, l’année dernière, modèle de sentimentalité jamais idiote, qui nous expliquait en substance qu’après les séries, la vie continue.
Un bon dernier épisode de série raconte à la fois la fin d’un monde et la fin d’un rapport. Ce monde, c’est celui qui s’est déployé sous nos yeux pendant plusieurs saisons ; ce rapport, c’est celui du spectateur avec les personnages qui le quittent. Parfois, la relation est inversée, comme dans les ultimes secondes de 24 heures chrono, ponctuées par le célèbre regard caméra de Jack Bauer, suppliant en silence que personne ne l’oublie.
Desperate Housewives n’a pas dérogé à la règle en proposant un finale opératique et ambitieux. Une fois les intrigues courantes expédiées, les premières larmes versées, les ultimes minutes n’ont eu qu’un seul but : prendre de la hauteur. Suivre Bree, Lynette, Susan, Gaby, leurs mecs, la vieille voisine madame McCluskey et quelques autres, pour la toute dernière fois.
Rabattre délicatement le linceul sur leurs visages aimés. Leur offrir un destin. Ne surtout pas les abandonner froidement sur le bord de la fiction.
Voilà pour le programme. La réalité, malheureusement, n’a pas atteint la plénitude espérée. Revenu aux affaires pour écrire cette fin, Marc Cherry a voulu rester fidèle aux fondements de la série, naviguant depuis ses débuts dans un univers ultraréférentiel. Série postsoap, postthriller, postmélo, Desperate Housewives est morte les armes à la main en proposant dans ses ultimes instants un mélange d’influences diverses, notamment celle, flagrante, de Six Feet under – peut-être le DES le plus connu et le plus commenté de tous les temps. Plutôt que de provoquer l’émotion, ce geste pop terminal nous a rendus perplexe, ce qui n’est sûrement pas le meilleur sentiment pour quitter une série qu’on aurait aimé regretter, même un peu. Pas sûr qu’on en parle encore dans dix ans.
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