La réalisatrice de « Bright Star » revient avec « Top of the Lake », une minisérie sur la disparition d’une jeune fille dans une communauté isolée de Nouvelle-Zélande.
Une fillette aux cheveux longs entre toute habillée dans un lac, comme si elle voulait se laisser engloutir en douceur par l’immensité. La morbidité romantique des premières images de Top of the Lake n’est pas un leurre. Elle fonctionne comme un programme esthétique ouvert que les épisodes à venir, sept au total, se chargeront de confirmer, de remettre en question, d’approfondir et de rendre si possible captivant. L’action se déroule au cœur d’une communauté rurale perdue au fond de la Nouvelle-Zélande, mais nous pourrions tout aussi bien arpenter le Nord-Ouest américain de Twin Peaks ou les terres froides du Danemark rendues mystérieuses par The Killing. Un goût de surnaturel hante la réalité. Derrière le calme sublime des paysages, une inquiétude s’immisce. Ici, le temps n’est pas vraiment compté, dans la vie comme dans la fiction. Il s’étale et finit par distendre les vies des hommes et femmes qui y habitent. La forme sérielle s’impose comme une évidence. C’est sans doute la raison pour laquelle Jane Campion a préféré imaginer Top of the Lake comme une fiction épisodique plutôt que comme un film.
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L’époque se prête à ce genre de pas de côté. On ne compte plus, dans les trois dernières années, le nombre de cinéastes importants comme elle (Palme d’or en 1993 pour La Leçon de piano) venus frayer à la télévision. Friandes de ce qu’elles considèrent comme le prestige du grand écran, les chaînes ont accueilli Martin Scorsese (Boardwalk Empire), Gus Van Sant (Boss), David Fincher (House of Cards) ou encore Todd Haynes (Mildred Pierce), pour citer les plus connus. Parmi eux, seul le dernier de la liste a été impliqué au même niveau de Jane Campion, qui a coécrit et réalisé l’intégralité de Top of the Lake. Après les trois parties du Carlos d’Olivier Assayas montrées à Cannes en 2010, la minisérie de Campion a été projetée en avant-première lors du Festival de Sundance, au mois de janvier, puis à Berlin, en février, sans que les habituels cris d’orfraie anti-télé ne se fassent entendre. Heureusement.
La seconde nature cinématographique de Top of the Lake n’est pourtant pas le seul point d’entrée possible dans une minisérie qui ne renie jamais l’aspect strictement télévisuel – et relativement classique – de son récit. La jeune fille de la première scène a 12 ans et s’appelle Tui. Enceinte de cinq mois, Tui refuse de dire qui l’a mise dans cet état et disparaît du jour au lendemain. Robin, une enquêtrice venue d’Australie pour rendre visite à sa mère malade, se penche sur son cas. Elle se fond dans la communauté et traverse les paysages locaux d’une rudesse et d’une beauté saisissantes. Elle tire les fils d’un lieu insaisissable où hommes et femmes ne communiquent pas beaucoup, où les flingues sont légion et la loi ne procure aucun repère. L’enquête piétine, comme on dit. Et c’est le temps du piétinement que filme Jane Campion avec une langueur triste. Les soupçons se portent sur le propre père de la jeune fille. Les éléments et les animaux jouent un rôle majeur, les croyances magiques aussi. Parfois, Top of the Lake ressemble à un western égaré dans les années 2010. A d’autres moments, on entre dans un conte social horrifique sur la domination masculine. A quelques lourdeurs scénaristiques s’oppose la sûreté permanente d’un regard.
Pour incarner la recherche de la vérité, Jane Campion a fait appel à l’actrice parfaite. Elisabeth Moss incarne Peggy Olson dans Mad Men depuis cinq ans. Elle transporte avec elle sa mélancolie butée, ses frustrations, sa sexualité discrète, son courage. On pourrait ne regarder Top of the Lake que pour elle.
Top of the Lake de Jane Campion, BBC et Sundance Channel.
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