Conçue sous le patronage de Michael Mann, la série plonge un journaliste américain dans les méandres criminels de la capitale japonaise. Sans renouveler les conventions du genre.
Ayant troqué la morosité de son Missouri natal contre l’effervescence tokyoïte, Jake Adelstein devient le premier reporter occidental à écrire pour un quotidien japonais. Rattaché au service police et justice du prestigieux Tokyo Meicho Shimbun, il est un interlocuteur privilégié des yakuzas tout en collaborant avec la police locale.
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Librement adaptée de l’autobiographie d’Adelstein parue en 2009, Tokyo Vice joue des ficelles éprouvées du polar urbain et du journalisme d’investigation pour révéler la toile infralégale qui relie la presse, la police et la mafia. Cet équilibre précaire sera mis à mal par la curiosité du jeune reporter, dont l’enquête, consacrée à une société de prêts soupçonnée de pousser ses débiteurs et débitrices au suicide pour toucher l’argent de leur assurance vie, lui fera croiser la route d’un gangster mélancolique et d’une hôtesse au passé trouble.
Michael Mann, caution artistique
Pour être honnête, ce ne sont ni l’intrigue retorse ni les figures ambiguës de la série qui nous ont poussé·es à nous aventurer dans les quartiers interlopes de Tokyo qui en constituent le cadre, mais la présence de Michael Mann à la production exécutive et à la réalisation du pilote. Alors que Hacker, son dernier long métrage, remonte à 2015, et que la concrétisation de son projet consacré à Enzo Ferrari ne cesse d’être différée, il y avait quelque chose d’excitant à envisager le retour du cinéaste à ses premières amours télévisuelles.
Hélas, mis à part un premier épisode qui saisit le quotidien du jeune expatrié et dispose les pièces du jeu d’échecs criminel dans lequel il va s’égarer avec une précision et une stylisation agiles, le nom de Michael Mann fait principalement office de caution artistique à une fiction qui inscrit ses développements dans des ornières plus classiques.
Contrairement aux séries pilotées par des showrunners à l’esthétique marquée (comme Vince Gilligan pour Better Call Saul) ou à celles entièrement mises en scène par des réalisateurs ou réalisatrices de cinéma (Irma Vep d’Olivier Assayas, pour rester sur des exemples récents), les créations télévisuelles placées sous le patronage d’un·e cinéaste reconnu·e n’en perpétuent généralement que les obsessions thématiques.
“Tokyo Vice” sort par moments de ses gonds en épousant la désorientation de son personnage principal
Une volonté de se perdre
Ainsi, Hiroto Katagiri (Ken Watanabe), officier de police expérimenté, et les chefs de famille yakuzas, dont il tente de contenir les velléités conflictuelles, éprouvent la fine membrane qui sépare la loi du crime dans un système où seule compte la logique capitaliste, comme un écho lointain des questionnements de Heat ou Miami Vice. Et Jake Adelstein (Ansel Elgort, échappé du West Side Story de Spielberg) de s’inscrire, par son obstination et son abandon total à son enquête, dans la lignée du Jeffrey Wigand de Révélations.
Très précise dans sa description des institutions qu’elle met en jeu, particulièrement à travers leurs similitudes de fonctionnement, rigide et autoritaire, Tokyo Vice sort par moments de ses gonds en épousant la désorientation de son personnage principal, gaijin (étranger) soumis à un choc des cultures parfois violent et dont l’assurance à toute épreuve révèle en creux une volonté de se perdre, comme pour disparaître à lui-même.
C’est ce sillon un peu malade tracé dans un univers très codifié qui nous tient en haleine jusqu’au dernier épisode, dont le tragique suspendu pose les jalons d’une deuxième saison.
Tokyo Vice de J.T. Rogers, avec Ansel Elgort, Ken Watanabe, Rachel Keller. Sur Canal + à partir du 15 septembre.
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