Sa première saison avait été l’un des phénomènes culturels du premier confinement. ”Tiger King” revient pour un second volet plus court, et bien moins intéressant.
Sorti le 20 mars 2020, lorsque le monde entier s’ennuyait à la maison, sans mieux à faire que de doomscroller sur les réseaux sociaux et de finir le catalogue Netflix – du moins pour celles et ceux dont le travail n’était pas jugé essentiel -, Tiger King avait été l’un des phénomènes culturels du premier confinement. Son visionnement était, l’avions-nous noté, indissociable de l’atmosphère d’effondrement du “vieux monde” – mais qui se souvient encore de ce concept so old ? – et d’une campagne présidentielle apocalyptique sur fond de Covid-19 aux États-Unis, qui allait aboutir à la défaite cinglante de Donald Trump en novembre. Bref, tout ce qu’on avait à en dire était d’abord question de contexte.
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Si le contexte a aujourd’hui changé, ce n’est pas le cas du “roi des tigres” (Joe Exotic) et de sa clique de sociopathes, qui restent égaux à eux-mêmes dans cette seconde saison au goût frelaté. La première n’était certes pas un grand cru classé, mais au moins ne mentait-elle pas : on en avait pour son kalimotxo (délicat breuvage à base de vin et coca-cola), grâce à une extraordinaire galerie de personnages et à la stupéfiante ronde des rebondissements qui s’opérait tout au long des sept épisodes.
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White trash
N’en comptant que cinq, celle-ci frappe d’abord par son opportunisme et sa pauvreté : on sent que les deux auteur·rices (Rebecca Chaiklin et Eric Goode) ont raclé le fond de leurs disques durs pour trouver assez de matière à même d’alimenter ce nouveau cirque white trash. Joe Exotic, désormais en prison, se rêve en Docteur Mabuse, mais n’est qu’une pauvre buse, réduit à implorer la grâce présidentielle au saint-patron des losers (en vain). Il y a au moins une belle idée visuelle dans tout ce fatras : interviewer le blondinet flamboyant à travers un visiophone, dont le cadre étriqué et pixélisé renforce son allure de leprechaun maléfique. À part lui, d’anciens fauves refont un tour de piste (Jeff Lowe et sa copine, parfois amusant·es dans leurs poses de Thénardier gangsta), et quelques nouveaux apparaissent (Tim Stark, propriétaire de zoo complètement schizo). Mais domine l’impression d’une parade sans conviction.
Crime story
De fait, un seul épisode convainc, le troisième (ainsi qu’une partie du deuxième), qui reprend l’enquête sur la fascinante Carole Baskin, et la disparition jamais élucidée de son mari. L’a-t-elle tué et donné à manger à ses tigres, ou s’est-il vraiment éclipsé au Costa Rica, comme elle l’a toujours prétendu ? L’enquête officielle, rouverte à l’issue de la première saison, étant toujours en cours, on n’aura hélas pas la réponse définitive, seulement des suspicions. Mais l’irrésistible mécanique de crime story qui se déploie ici, avec ses personnages secondaires tous plus vaniteux les uns que les autres (le journaliste d’investigation filou, le flic impassible, l’avocat mégalo, l’enquêteur amateur qui a eu “son diplôme de droit sur Google”…), suffit à notre plaisir. Il y a là quelque chose de L’Invraisemblable vérité de Fritz Lang, mais dans une version floridienne, dégénérée, comme si Lee Daniels en avait pris les commandes.
Tout est question de contexte, disions-nous. Si la première saison chroniquait, de façon détournée et anticipée, l’implosion du trumpisme, celle-ci montre sa désespérante rémanence. Et c’est assez pénible.
Une série documentaire de Rebecca Chaiklin et Eric Goode, en cinq épisodes de 45 minutes environ, sur Netflix.
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