Dernier chapitre pour “This is Us”. La série créée par Dan Fogelman s’achève ce printemps avec une saison 6 fulgurante.
Ce n’est pas la première fois qu’une série majeure tire sa révérence en plein Festival de Cannes. Il y a trois ans de nombreux journalistes avaient pris une soirée off pour voir en petits groupes dans leurs F1 de location la fin de Game of Thrones. Pour les deux derniers épisodes de This is Us, diffusés les 17 et 24 mai, nous avons préféré attendre la fin du festival. Pour qu’aucune autre image, aucun autre récit, ne vienne parasiter l’émotion intense de cette cérémonie d’adieux.
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Dans une mise en abîme évidente et belle, la série ritualise à l’extrême sa propre fin et se clôt elle-aussi sur une cérémonie d’adieux : les personnages se pressent autour de Rebecca en fin de vie pour lui dire au revoir, tandis que les spectateur·trices, elleux, doivent dire au revoir à tous ces personnages qui leur seront bientôt confisqués. This is Us et Rebecca meurent ensemble – et ce n’est que justice puisque plus que toute autre figure, This is Us, c’est Rebecca, personnage clé qui suture de sa présence bienveillante toutes les époques et tous les états successifs des autres personnages.
Terminus
L’épisode 17, l’avant dernier de l’ultime saison, est vraiment une folie. Le passage de vie à trépas y est figuré par un montage alterné entre le corps inanimé de la septuagénaire dans le coma et une figuration de son esprit en ébullition dans lequel, somptueuse trentenaire en robe de soirée, elle découvre tous les compartiments d’un train lancé à grande vitesse, figurant toutes les expériences de sa vie. D’un wagon à l’autre, tout le monde revient passer une tête, mais à toute allure, car comme le dit le père biologique de Randall transfiguré en agent de train, “il faut faire vite, le train accélère, le terminus est tout proche maintenant”.
Ce sont aussi des dizaines d’œuvres qui défilent, compressées dans ce train métaphorique : Snowpiercer bien sûr, pour cette randonnée de voiture en voiture, qui n’est pas ici un parcours d’une société mais d’une existence, Shining, pour ce bar rutilant où Rebecca s’arrête un moment et où le barman en sait long sur l’existence, tout Lynch et Mulholland Drive en particulier, pour cette mine mi-stupéfaite mi-émerveillée de Rebecca, petite Alice en robe hollywoodienne, qui sait confusément que tous ces prodiges éblouissants cachent quelque chose de terrible qui ne dit pas son nom ; tout Proust aussi, et même l’adaptation du Temps retrouvé par Raul Ruiz, où à la fin les acteurs qui jouaient Marcel se tenaient tous la main (arrière-plans merveilleux ici, où tous les Randall, tous les Kevin, toutes les Kate bavardent et s’amusent ensemble). Tout est à la fois joyeux et cruel, festif et déchirant, comme s’il nous était donné d’assister à la fête de son propre enterrement. Et ce jusqu’à la dernière des retrouvailles, sur un coin d’oreiller, esquissée et sitôt retirée par le carton de fin. Jack enfin.
L’épisode est de bout en bout sublime, maelström émotionnel vraiment déchaîné, à la hauteur, et plus encore, de la passion qu’on porte pour cette série depuis six ans. Lorsque le générique final de cet épisode 17 nous laisse abasourdi et sonné, on se demande tout de même ce que pourra être le suivant, tant celui-là est conçu comme un grand finale. C’est l’extrême délicatesse de la série : ne pas nous abandonner sur un climax. L’épisode 18, le dernier donc, est comme un bonus, quelques dizaines de minutes de rab sans véritable enjeu dramatique, que des moments de douceur down tempo pour gérer la descente et nous raccompagner gentiment vers la sortie. En plus de tout le reste, on sait gré à This is Us d’avoir su nous quitter avec autant de tact.
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