L’émouvante série de NBC a repris depuis quelques semaines. Et réaffirme sa profonde singularité.
Certaines séries ne tiennent qu’à un fil, celui de l’émotion toujours évanescente qu’elles tissent et dont elles ne peuvent se départir trop longtemps, même quand elles grandissent. Un contrat tacite avec le spectateur qui fait que l’on leur en demande plus qu’aux autres.
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A This Is Us, cette exception miraculeuse (une bonne série grand public, c’est si rare), nous demandons beaucoup, comme de nous envelopper dans un cocon narratif où la constance et les repères facilitent les surprises. La deuxième saison, qui a commencé au début du mois, constitue une sorte de test de durabilité.
Une relecture contemporaine de la série familiale
Pour rappel, la série créée par Dan Fogelman raconte la vie d’une famille à travers plusieurs époques, sans passer par le format classique du flash-back, mais en entremêlant passé et présent dans une danse affective. Cela lui donne un aspect expérimental, alors que sa colonne vertébrale n’est rien d’autre qu’une relecture contemporaine de la série familiale.
Les Pearson auraient pu ressembler aux Carrington de Dynastie s’ils étaient nés dans la télé pleine de froufrous des années 1980, mais ils débarquent dans un monde où la plupart des séries ont moins le droit à l’excentricité. Ce n’est pas toujours un problème. De la part du créateur, cela ressemble même à un choix.
This Is Us vise la sophistication dans la forme et un œcuménisme (non religieux) dans le fond
Si Fogelman a envie de ressusciter un style oublié, c’est celui d’une certaine télé des années 1990. Dans les premiers épisodes de cette nouvelle saison, les références à Urgences et Angela, 15 ans le prouvent. Ces séries prônaient une forme de premier degré des sentiments et une sincérité dans l’approche qui les rendaient paradoxalement dures et rêches.
This Is Us vise la sophistication dans la forme et un œcuménisme (non religieux) dans le fond, c’est-à-dire une forme d’égalité en valeur et en émotion de tous les personnages, quelles que soient leurs blessures. Cette morale narrative permet d’approcher à l’os leurs sentiments.
Prisonniers de l’attente
Cette deuxième saison commence, comme la première s’était terminée, avec un suspense concernant les circonstances de la mort de Jack Pearson (Milo Ventimiglia), lequel a laissé trois enfants et une femme derrière lui. Son personnage existe toujours dans les scènes qui se déroulent il y a vingt ans, mais nous le savons condamné et remplacé aujourd’hui par un autre dans le quotidien de son épouse. C’est un mort-vivant, un zombie mélodramatique qui lutte pour ne pas complètement s’effacer.
Le sentiment de se retrouver prisonnier d’une attente – quand la révélation arrivera-t-elle ? – n’a pas forcément joué en faveur des deux premiers épisodes, qui ont laissé un doute sur la capacité de This Is Us à passer l’obstacle connu de la deuxième saison, ce moment où l’effet de surprise ne joue plus. Si le mystère sur la disparition de Jack perdure trop longtemps, cela pourrait amener la série vers un terrain plus convenu.
Comment l’identité mute à travers le temps, comment elle se construit, se défait, s’immobilise, repart
Mais nous en sommes loin. Le troisième épisode diffusé la semaine dernière a remis les pendules à l’heure. L’histoire de Randall, adopté par la famille Pearson à la naissance, s’y est déployée avec toujours plus de finesse, reboostant le sujet central de This Is Us qui concerne tous les personnages, de l’obèse Kate au beau gosse Kevin en passant par les figures plus périphériques : comment l’identité mute à travers le temps, comment elle se construit, se défait, s’immobilise, repart.
La présence du roc fragile Sylvester Stallone comme invité dans cet épisode a offert un point de vue oblique et plein de hauteur sur la question. Au détour d’une conversation, il dit à Kevin (dont il vient d’apprendre que son père est mort) : “There’s no such thing as a long time ago” (“il y a longtemps, c’est un concept qui n’existe pas”). La mémoire est une fiction, un récit que nous construisons au quotidien, tel est le message à la fois cruel et apaisant de This Is Us.
This Is Us Saison 2, dimanche, 20 h 50, Canal+ Séries et sur MyCanal
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