Une fiction à la fois juste et décalée sur la NHS, avec un humour 100 % british et le talent de Ben Whishaw.
Dans une scène assez marquante du quatrième épisode de This Is Going to Hurt, un type qui pourrait sortir de The Office vient faire la leçon à un parterre d’infirmières sur les nouvelles terminologies à employer dans l’hôpital. On ne doit plus dire “patients” mais “clients”, ce qui fait tousser la plus grande gueule du lot : “Si ce sont des clients, nous on est quoi ? Des prostituées ?”
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À plusieurs reprises, la série d’Adam Kay, réalisée par Lucy Forbes et Tom Kingsley, s’autorise ce genre de saillies destinées à montrer le bordel et la grandeur simultanés du système de soins public anglais, cette fierté nationale nommée NHS, désormais en plein doute sous les violents coups de boutoir de Boris Johnson.
Le sang gicle, la drôlerie aussi
Le héros de la série s’appelle Adam Kay, comme son créateur dont les mémoires publiés en 2017 ont inspiré cette fiction juste assez fine pour tomber à pic. Car This Is Going to Hurt, pur produit british à la fois drôle et venimeux, nous parle directement malgré les quelques centaines de kilomètres nous séparant de Londres.
Tout est montré sans détour : les gardes épuisantes, le sous-effectif, la culture absurde du résulta
Après deux années de pandémie qui ont rouvert ou plutôt exposé les plaies de notre système de santé, tout est montré ici sans détour : les gardes épuisantes, qui s’enchaînent malgré le manque de sommeil, le sous-effectif chronique, la culture absurde du résultat, la peur et la fatigue qui drivent les journées du personnel soignant.
Sauf que nous ne sommes pas tout à fait dans une série médicale au regard systémique, comme l’excellente Hippocrate de Thomas Lilti, mais dans l’expérience d’un homme et de quelques collègues et proches. Un pur exercice de subjectivité qui permet de beaux pas de côté vers le bizarre.
Tout est construit autour du docteur Kay, jeune trentenaire angoissé qui paraît à la fois se demander ce qu’il fout dans une unité de gynécologie-obstétrique surchargée en permanence, et adorer les gestes ainsi que l’intensité de son métier. La série suit ses déambulations fragiles, ses opérations précises ou incertaines, ses relations pas toujours amènes avec le reste de l’humanité, des hommes et des femmes sur le point de vivre des moments joyeux ou difficiles.
Le sang gicle, la drôlerie aussi, comme une danse folle qui pourrait s’arrêter brusquement. Au début de la série, d’ailleurs, un accouchement se passe mal et Kay pourrait en subir les conséquences. Le poids du monde semble toujours peser lourdement sur ses frêles épaules, d’autant qu’Adam doit gérer une relation pas forcément simple avec son mec qui se plaint de le voir trop peu.
L’humour poli et fou à la fois de Ben Whishaw
À travers ce rôle électrique et souvent bouleversant, le génial Ben Whishaw (Le Parfum ; Bright Star) a trouvé un nouvel écrin pour son talent féroce, son humour poli et fou à la fois, son air d’attendre perpétuellement que la vie lui offre une ligne de fuite.
En jouant un médecin gay alors qu’il est un des rares acteurs de premier plan à avoir fait son coming out, il poursuit son chemin singulier après A Very English Scandal et la révélation du dernier James Bond dans lequel son personnage, Q, n’avait plus rien d’hétéro – même si la scène a frustré le comédien, comme il l’a expliqué dans la presse. Le regarder régner sur un pan de la fiction contemporaine fait du bien.
This Is Going to Hurt d’Adam Kay, avec Ben Whishaw, Michele Austin, Ambika Mod. Sur Canal+, à partir du 31 mars.
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