Adapté d’une belle série venue du Danemark et de Suède, le drame policier Tunnel plante son atmosphère angoissante entre France et Angleterre. Sans surprise mais solide.
Représentante de la nouvelle vague des séries policières nordiques, Bron a titillé les amateurs d’atmosphères poissardes dès sa première saison en 2011 – la seconde est diffusée en ce moment. La recette ? Un corps est retrouvé exactement sur une frontière et une enquête binationale lente et douloureuse s’ensuit. Dans la version originale, l’action avait lieu entre la Suède et le Danemark – brrr. Ces derniers mois, une adaptation américaine plus caliente en a été faite à la frontière avec le Mexique, par la chaîne FX, sous le titre The Bridge et avec Diane Kruger. Voici venue une coproduction franco-anglaise forcément humide, dont l’intrigue débute au milieu du tunnel sous la Manche. Tunnel arrive-t-elle trop longtemps après la bataille pour être vraiment crédible ? La question se pose pendant quelques minutes du premier épisode et s’évanouit d’elle-même.
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Dans le paysage télé mondial d’aujourd’hui, l’idée du remake n’a plus rien de rare ni de honteux. De The Killing à The Office en passant par Homeland, combien de hits récents ne proviennent pas d’une idée originale ? Le tabou n’existe plus vraiment et il semble désormais acquis que de bonnes séries peuvent naître dans ce contexte. C’est peut-être ce qu’ont pensé les dirigeants de Canal+ en s’alliant à la chaîne british Sky Atlantic avec cette série à visée clairement internationale, au budget conséquent. Le résultat est un mélange assez culotté mais équilibré entre France et Angleterre. Côté acteurs, Clémence Poésy et Stephen Dillane (Stannis Baratheon dans Game of Thrones) se font face ; Dominik Moll a pris en charge comme réalisateur les deux premiers épisodes tandis que le scénariste anglais Ben Richards (MI-5) a supervisé l’écriture. Pour ne froisser personne (et rester un tant soit peu réaliste), les dialogues de la série sont parfois en anglais, parfois en français. Un détail qui veut dire beaucoup et tend à rendre obligatoire un visionnage en version multilingue.
S’il fallait jouer au petit jeu de la comparaison entre l’original et la copie, on remarquera que dans Bron l’héroïne souffrait du syndrome d’Asperger (une forme d’autisme) tandis qu’ici, Elise, la femme-flic française qui enquête sur les traces d’un serial-killer aux motivations plus ou moins politiques, se contente de faire sacrément la gueule et de montrer des qualités sociales et humaines de base assez limitées. Quand elle couche avec un joli garçon, Elise le remercie vite fait et repart allumer son ordi pour bosser. Quand elle va voir son collègue anglais à l’hôpital, elle lui demande froidement : “Comment vont vos testicules ?” De cette partition minimale, Clémence Poésy fait un personnage toujours inattendu et se montre plutôt étonnante et juste. De l’autre côté, Stephen Dillane joue d’un humour pince-sans-rire assez plaisant. Parfois engoncée dans un certain esprit de sérieux, la série trouve toujours une respiration bienvenue grâce à ses deux comédiens. Ensemble, les compères parviennent à rendre moins prévisible et donc plus vivant le genre très formaté (même s’il est ici bien maîtrisé) du feuilleton policier contemporain dépressif.
Sans être révolutionnaire, Tunnel trouve finalement assez vite sa vitesse de croisière et laisse la bruine de Calais et de Douvres produire son effet. C’est de cette atmosphère dont on se souvient une fois l’écran éteint, ces paysages incertains traversés par un duo de flics qui semblent parfois égarés dans le flou du monde. Se tenir à leurs côtés, en léger décalage avec le réel, n’est pas une mauvaise façon d’affronter l’hiver qui vient.
Tunnel le lundi à partir du 11 novembre, 20 h 50, Canal+
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