La deuxième saison de The Strain confirme l’habileté du tandem Guillermo del Toro/Chuck Hogan à revivifier la vieille figure du buveur de sang.
Les miroirs, on le sait, ont le plus grand mal à réfléchir les vampires. Si un vampire se penche sur une glace, il y verra la pièce où il se trouve vidée de sa présence. Quand l’actualité met en miroir la télévision et le cinéma à travers l’œuvre d’un seul homme, qu’est-ce qui réflechit mieux le genre du fantastique ? Sur quel écran miroite avec le plus d’intensité le petit bestiaire morbido-carnavalesque de Guillermo del Toro ? La réponse fait long feu.
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Au cinéma, avec Crimson Peak, il ramène le film de maison hantée dans ses pénates gothico-kitsch avec une maniaquerie d’antiquaire, ajoutant simplement une couche de ripolinage numérique sur de vieilles images pieuses de la Hammer. A la télé, en revanche (sur FX en l’occurence), il expérimente avec une efficacité tranquille un fantastique ultracontemporain, totalement formol free, et réussit là où tous les miroirs échouent : The Strain réfléchit avec éclat la figure toute loqueteuse du vampire.
Vampires mutants
Le propre du vampire est d’absorber les forces vitales des autres espèces, se nourrir de leur sang. The Strain upgrade ses vampires en leur inoculant les attributs de multiples autres créatures fantastiques. Des vampires mutants en quelque sorte, des X-vamps comportant en leur sein tout un tas de sous-groupes, tous hybrides. Au plus bas de l’échelle, il y a les vampires-zombies.
Récemment transformés, ils sont privés de parole, de pensée, leurs peaux pourrissent et ils traînent dans les rues, dépossédés de tout, n’ayant plus – comme les pauvres hères de Romero ou de The Walking Dead – qu’une chose à eux : leur faim. Au plus haut, il y a le maître qui a, lui, tous les attributs classiques du vampire depuis Bram Stoker : lit-tombeau, longue cape, immenses doigts crochus…
Et, entre les deux, des êtres intermédiaires, des vampires travestis en humains, à coups de postiches et de maquillage, qui renvoient plutôt à une tradition parano de grand remplacement, des Envahisseurs aux Body Snatchers. L’un d’eux, un ancien nazi qui en a bien la tête, a même le privilège de se tordre pour éviter les balles à la façon du Neo de Matrix.
Bondissants insectes
Enfin, la saison 2 élargit encore le caractère composite de ces vampires en imaginant une portée d’enfants vampires aux pouvoirs très spéciaux, ultrarapides et narguant l’ordre gravitationnel. Comme de bondissants insectes, ils sautent au plafond, sur les murs, aussi à leurs aises sur des pans verticaux qu’horizontaux. Des spider-vamps, en quelque sorte.
Mais la plus belle idée de The Strain consiste à avoir vampirisé Alien. Un des particularismes de ces vampires rebootés est de ne rien faire de leurs canines. En revanche, une trompe rétractile logée dans leur gorge peut se dérouler dès que se signale une proie. Il suffit d’une bonne intuition figurative pour qu’une œuvre fantastique fasse empreinte. Et cette trompe a du génie. Elle surgit comme le monstre d’Alien transperce ses corps porteurs. Et elle ne sort pas toujours de la bouche, mais parfois du cou.
Double organe sexuel
Dans les films de vampires traditionnels, le cou est la part faillible des humains, celle où le vampire incise. Ici, le cou n’est pas la cible mais le chargeur. Les vampires ne prennent pas à la gorge, mais d’elle. Et puis, bien sûr, cette trompe vaut imaginairement comme organe sexuel. Comme double organe sexuel, puisqu’elle est à la fois un pénis et un vagin (denté), un membre qui durcit et se tend, et un orifice qui s’ouvre en corolle pour recueillir la sève/le sang de sa proie.
Dès lors, le reste, pourtant très réussi (panel de personnages intéressants, machinerie dramatique qui bastonne, emberlificotage narratif habile à base de flash-backs de l’Antiquité à la Seconde Guerre mondiale), est presque accessoire. Ce qu’on veut voir, c’est jaillir encore et encore cette trompe, dans un cri guttural de sanglier aux abois.
The Strain, saison 2 Canal+ Séries
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