Le réalisateur a ajouté de nouveaux épisodes à Soupçons (The Staircase), sa série documentaire. L’écrivain condamné pour le meurtre de sa femme est sorti de prison…
Les spectateurs de Canal+ dans les années 2000 se souviennent de l’épopée stupéfiante de Soupçons (The Staircase), où le réalisateur français Jean-Xavier de Lestrade – déjà auréolé d’un oscar du documentaire pour Un coupable idéal – suivait en plusieurs épisodes ultra tendus le procès de Michael Peterson, un écrivain d’une soixantaine d’années accusé du meurtre de sa femme, qu’il niait sans toujours convaincre. L’homme semblait opaque, indéchiffrable, angoissant. L’idée qu’il ait trouvé Kathleen en sang et bientôt morte au bas des escaliers de leur maison, alors qu’il revenait de la terrasse avec piscine, paraissait souvent fantaisiste.
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La série, elle, donnait au genre du docu-série ses lettres de noblesse contemporaines, longtemps avant Making a Murderer, avec une manière diaboliquement pointilleuse de suivre les événements et rebondissements dans leur folie. A travers le regard de Jean-Xavier de Lestrade, le système judiciaire américain apparaissait comme une vieille machine un peu trop sûre d’elle, capable de broyer tous ceux qui s’y frottent, coupables et victimes mélangés.
La vieillesse d’un homme
Après un nouvel épisode diffusé en 2012, Soupçons (The Staircase) trouve sa conclusion avec ces trois derniers chapitres. Michael Peterson, finalement condamné pour le meurtre de son épouse, est sorti de prison. Il a 73 ans, clame toujours son innocence et réfléchit avec ses avocats à l’opportunité de provoquer un nouveau procès.
Mais quelque chose de la vitalité originelle de Michael Peterson a disparu. C’est cette disparition que filme Jean-Xavier de Lestrade, rompant avec le caractère addictif extrême qui avait fait le sel de sa série. Une mutation a eu lieu, la vieillesse d’un homme qui paraît dix ans de plus que son âge a pris le dessus. Depuis des années, la démonstration de l’accusation a montré ses limites, suite à de nouvelles révélations – une théorie convaincante circule d’ailleurs sur internet –, mais quelque chose retient Michael Peterson.
Le doute persiste, en l’absence de véritable certitude sur les circonstances de la mort de sa femme. Mais le plus évident, devant ces trois appendices bluesy à l’histoire originelle, tient dans la proximité qu’entretient aujourd’hui le réalisateur avec cet homme. L’histoire de Soupçons (The Staircase) est finalement celle d’un regard partagé.
Une confession poignante
Il y a quinze ans, Jean-Xavier de Lestrade commençait Soupçons (The Staircase) en filmant la défense mais aussi l’accusation, qui lui a vite refusé tout accès. Le réalisateur et sa série ont épousé le point de vue de l’accusé. Les plus beaux moments de ces derniers épisodes en sont la conséquence directe.
Il y a d’abord une confession de Michael Peterson sur sa bisexualité (la révélation de son orientation sexuelle avait été un élément central de l’accusation, sous le prétexte qu’un homme qui cache sa sexualité est un menteur patenté) et la façon dont sa vie a consisté à porter des masques. Il y aussi le témoignage de la sœur de la victime, mettant en accusation, avec la haine de ceux qui sont dépossédés de l’image, le rôle du documentaire dans le déroulement de l’affaire.
Au bout du compte, le constat est cruel et fascinant : la plupart des protagonistes de Soupçons (The Staircase) sont passés à côté de leur vie, mais Jean-Xavier de Lestrade a eu le pouvoir de ne pas passer à côté de sa série.
Soupçons (The Staircase) Sur Canal+ tous les jeudis à 22 h 50 et sur Netflix
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