Malgré un casting alléchant devant la caméra comme à l’écriture, la nouvelle série d’Apple TV+ n’arrive pas à égaler les autres titres du catalogue.
Les grosses séries de la fin d’année sont de sortie. Alors que Succession traverse sa nouvelle saison tendue comme jamais, que Curb Your Enthusiasm a entamé son vingt et unième anniversaire à coups d’engueulades interminables et hilarantes, que l’étonnante Impeachment signée Ryan Murphy revisite l’affaire Clinton/Lewinski, The Shrink Next Door débarque sur Apple TV+.
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Streamer puissant mais encore étrangement peu connu en France, Apple TV+ devrait pourtant susciter un minimum de curiosité. Depuis son apparition il y a deux ans, l’opérateur propose en effet une flopée de séries assez fines et d’une diversité étonnante, moins tape à l’œil que Netflix : Ted Lasso et son entraîneur de foot bienveillant, For All Mankind qui revisite brillamment la conquête spatiale, ou encore The Morning Show sur le monde post-MeToo à travers une émission de télé matinale…
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Manque de profondeur
Autant le dire tout de suite, The Shrink Next Door n’évolue pas dans la même catégorie. Tirée d’un podcast de Joe Nocera basé sur une histoire vraie, la série raconte l’emprise sur plusieurs années d’un psy nommé Ike (Paul Rudd) sur son patient Marty (Will Ferrell), envoyé innocemment chez lui par sa sœur Phyllis (Kathryn Hahn) pour régler ses problèmes toujours vivaces avec une figure paternelle décédée.
Après un genre de coup de foudre, la relation entre les deux hommes se colore rapidement du franchissement de toutes les barrières imaginables. Le psy se permet des incursions permanentes dans la vie privée de Marty, tandis que ce dernier ignore méthodiquement les alarmes de ses proches devant l’absurde comportement de ce type qui siphonne peu à peu tous les aspects de sa vie.
Le souci majeur de la série concerne la manière dont elle manque singulièrement de… psychologie pour explorer la relation dominant/soumis carabinée qui se tisse. Une relation fondée sur l’inverse du consentement, puisque Ike fait faire à Marty des choses folles qu’il accepte sans sourciller et qui lui font du mal. Sans nier cet aspect central des faits, The Shrink Next Door flotte un peu, navigant sans cesse entre les divers points de vue pour servir une soupe un peu tiède, où l’aspect contemporain du propos n’est jamais vraiment exploité.
S’ajoute à cela un problème de ton. Pourquoi Will Ferrell est-il aussi con et influençable ? Le sujet est très sérieux. Le comédien l’a abordé par le versant ironique toute sa carrière, alors que ses personnages de mâle américain too much sont toujours restés en contact modéré avec la réalité. Mais ici, c’est comme si toute les puissances d’introspection et de satire potentielles dont il est capable étaient neutralisées.
Un sentiment de gâchis
Il n’est jamais évident de faire jouer à des acteur·ice·s spécialistes de comédie l’inverse de ce pour quoi ils et elles sont identifié·e·s. Rudd et Ferrell sont en plus des monstres en la matière, ils ont déjà fait leurs preuves ensemble dans les films Anchorman, sommets de slapstick et de burlesque idiot contemporain. Une scène géniale du troisième épisode (le meilleur) de The Shrink Next Door rappelle leur sens inné du timing : une soirée au spectacle devient un sommet de paranoïa ridicule. Mais le reste du temps, c’est un peu comme si les compères mimaient le sérieux que requiert le récit de cette emprise, qui se réfère davantage aux codes de la série dite adulte contemporaine qu’aux Rois du Patin.
Dans ce maelström pas toujours marrant, seule la grande Kathryn Hahn (Transparent, WandaVision) s’en sort à l’aise, dans un rôle plus nuancé où elle peut exprimer toute son énergie mélancolique et sa frontalité. Malgré tout, la déception domine bien. Les trois noms au casting suffisaient a priori à transporter nos petits cœurs sériephiles vers des cieux cléments et délicats, avec la promesse géniale de passer du temps avec eux, du temps avec elle. Comment se rater alors qu’on tient de l’or entre ses mains ? La pourtant très expérimentée scénariste Georgia Pritchett (Veep, Succession) a tout simplement raté son coup.
The Shrink Next Door, disponible sur Apple TV+.
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