[L’épisode de la semaine] Chaque semaine, nous nous penchons sur un épisode de série qui nous a particulièrement marqué. Le premier épisode de « The Path », le nouveau drama du service de VOD Hulu, installe l’ambiance étrange et inquiétante d’une communauté vivant selon les préceptes d’un mystérieux culte fictif. Avec Hugh Dancy (Hannibal) et Aaron Paul (Breaking Bad).
“Une fois que tu connaîtras l’Echelle (« the Ladder« ), toute ta peine, toutes les choses horribles qu’on t’a faites, tout ça va disparaître”, promet le leader Cal (Hugh Dancy) à la nouvelle recrue Mary (Emma Greenwell). C’est un des fondements du Meyerisme (du nom de son fondateur Dr Meyer), le culte fictif imaginé dans The Path, le nouveau drama du site de VOD américain Hulu produit par Jason Katims (le showrunner de Friday Night Lights et Parenthood). Cette « Echelle » est le titre de l’ouvrage qui doit livrer toutes les instructions nécessaires au développement spirituel de chacun. La promesse de la lumière et de l’épanouissement dans des vies faites de souffrance et d’illusions.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
https://youtu.be/-CJGX50Pt4s
Entre les scènes de méditation enthousiaste, de feu de camps confessionnel, ou d’allocution endiablée du leader, le premier épisode de The Path ne laisse pas planer de doute quant aux ressemblances entre les attributs du Meyerisme et ceux d’une secte, ou de tout culte teinté de fanatisme religieux. Sans pour autant encore lever le voile sur les mystères de cette « communauté », au centre de l’intrigue.
Deux points de vue sont nos portes d’entrée dans ce groupe de croyants cabalistique. D’un côté Mary, jeune toxico, longtemps prostituée par son père qui découvre la secte meyeriste comme une planche de salut. De l’autre Eddie (Aaron Paul), père de famille installé dans la communauté qui connaiît une véritable crise de foi qui lui fait remettre en question la croyance qui quelques années plus tôt lui avait « expliqué sa propre vie« . Pour l’une, le gourou Cal est une figure fascinante et salvatrice, une ouverture vers une vie meilleure. Pour l’autre, l’évangélisateur revêt une facette inquiétante et semble le symbole d’une vie derrière des barbelés, dans laquelle on n’a pas le droit d’avoir des doutes et l’on doit se justifier sur tout.
https://www.youtube.com/watch?v=WgtCSfOED6w
“L’homme réalise que tout ce qu’il pensait vrai, ne l’est pas”
Difficile de ne pas penser à la scientologie en regardant The Path. La terminologie développée autour de la croyance imaginaire meyeriste rappelle les délires de vocabulaire de la dianétique (rappelés notamment dans le fascinant documentaire Going Clear: Scientology and the Prison of Belief). Tout comme l’évocation de son mystérieux fondateur le Dr Meyer peut rappeler l’aura étrange de L. Ron Hubbard. La comparaison s’arrête pourtant là selon sa créatrice Jessica Goldberg, pour qui une inspiration trop directe aurait limité le champ de réflexion plus global sur la croyance et ses extrêmes.
On est en tout cas loin des fastes de l’organisation de David Miscavige dans la scène d’allocution du gourou Cal aux adeptes du Meyerisme. Dans une modeste salle équipée de chaises pliantes et d’un vidéo-projecteur, Cal explique le mythe de la caverne de Platon. Des images défilent derrière lui et illustrent son récit, celui d’un homme qui toute sa vie a contemplé des ombres en croyant que c’était la réalité. Le travail, les amis, l’amour, Dieu, tout ce que cette homme a cru être vrai toute sa vie n’était que simulacre. L’homme doit se contraindre à abandonner toutes ses certitudes, sortir du mondes des ombres qu’on lui a imposé, et se confronter à la lumière pour pouvoir connaitre le vrai. L’allégorie de Platon telle qu’elle est présentée par le personnage de Hugh Dancy est audacieusement instrumentalisée et détournée de son sens premier. Là où le philosophe grec appelle à la nécessité de la connaissance pour contempler le réel et la vérité, le gourou laisse à penser que le culte de l' »Echelle » et son système de croyance est le seul moyen d’accéder à la lumière et que les non croyants sont enfermés dans le monde des ombres. Pour leur prouver, Cal fait tomber la toile sur laquelle il projetait les images de sa présentation, laissant entrer la pleine lumière sur la salle et ses occupants extatiques.
Portée par Hugh Dancy, complètement captivant dans ce premier épisode, la scène symbolise bien les promesses de The Path, qui ouvre une réflexion intéressante sur les principes de croyance et de réalité, et qui trouble par son étrangeté inquiétante. Une ambiance qui n’est pas sans rappeler celle du début de la série magnétique The Leftovers. En espérant que la comparaison puisse longtemps perdurer.
{"type":"Banniere-Basse"}