Servie par une distribution brillante et un mille‑feuille narratif, “The Old Man” capte l’attention malgré des longueurs.
Un vieil homme se bat en corps à corps avec un mec beaucoup plus jeune que lui qui tente de le capturer. La scène dure, les souffles se mêlent, les coups pleuvent, le sang gicle, ça n’en finit pas. Personne ne meurt, enfin pas tout de suite. Le second degré post-western en moins, quelque chose rappelle l’incroyable moment étiré de bataille à mains nues filmé par John Carpenter dans They Live, son chef-d’œuvre de 1988.
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On pense aussi à une saillie tarantinesque, où une brutalité extrême vient réveiller la torpeur faussement cool qui régnait. D’un coup, The Old Man nous étonne en sortant des rails et donne la preuve que cela peut sans doute aller très loin. Nous sommes à la fin du premier épisode.
Malgré les longueurs – des scènes pourraient être abrégées, certains épisodes durent plus d’une heure, une plaie contemporaine qui semble ne jamais devoir disparaître –, un élan nous donnera envie de rester, ne serait-ce que pour comprendre d’où vient cette violence innommable qui semble surgir du néant. Aujourd’hui, on n’en demande pas toujours beaucoup plus à une série.
Créée par Jonathan E. Steinberg et Robert Levine, The Old Man s’inspire d’un roman américain sorti en 2017, signé Thomas Perry. L’histoire s’étoffe vraiment au fil des épisodes, ne dévoilant sa vraie nature qu’après avoir suivi plusieurs pistes plus ou moins fausses, ce qui rend l’affaire difficile à résumer.
Thriller d’espionnage et drame familial
Disons que le récit mélange plusieurs niveaux de tension : le thriller d’espionnage croise le film de traque, la réflexion sur la vieillesse dévie vers le drame sentimental et familial, alors qu’un (gros) soupçon de géopolitique centré sur l’Afghanistan vient pimenter le tout. Toutes ces couches traversent parfois un peu trop sagement l’écran, mais donnent un fond solide à la série, que son esprit de sérieux aide à mieux déployer. Un chef-d’œuvre ? Sûrement pas. Cependant, les créateurs savent qu’ils ont entre les mains un personnage en or qu’un rien rendra captivant, pour peu qu’ils le laissent vivre.
Cet homme s’appelle Dan Chase (Jeff Bridges). Clairement, la survie est devenue son affaire. Mais à quel prix ? Il mène une existence intranquille pour un type qui a largement dépassé l’âge de la retraite. On le voit multiplier les terreurs nocturnes au cours desquelles il revoit sa femme morte, appeler sa fille tous les jours pour lui dire qu’il l’aime.
Ce monsieur dissimule forcément quelques cadavres dans son placard, et le voilà qui lâche ses deux chiens par ailleurs adorables sur une victime qui n’a aucune chance. Chase se soumet très vite à l’engrenage de la fuite, dans une vie de fugitif dont il a de toute évidence l’habitude depuis ses jeunes années. Le mystère de ses intentions profondes n’en reste pas moins opaque.
Une série finalement collective, où brillent, en plus de Bridges, trois acteurs et actrices au-dessus du lot
The Old Man prend son sens en plongeant rétrospectivement dans les actions de son héros. Sauf que ce n’est pas vraiment Dan qui revient sur son existence passée – lui semble vivre pour la prochaine minute, tout au plus – mais bien la série, capable de remonter le temps de plusieurs décennies, quand il s’était mis en tête de sauver les rebelles afghans face à l’invasion soviétique. Dans ce rôle de solitaire taillé pour lui, Bridges n’en fait pas trop. Mais cela suffit à le rendre méchant, vénéneux et fragile, ce qui n’a rien de commun. L’acteur de La Dernière Séance, The Big Lebowski et True Grit, notamment, impose sa patte qui vient des années 1970, âge d’or d’un certain cinéma américain encore malpoli.
Sur sa route, on trouve d’autres figures bizarres et doubles, parfois posées un peu maladroitement dans le paysage mais toujours incarnées. Car The Old Man est une série finalement collective, où brillent, en plus de Bridges, trois acteurs et actrices au-dessus du lot : l’intense Alia Shawkat (Arrested Development, Search Party) en agente du FBI, le sombre John Lithgow (Dexter), dont le passé revient comme un boomerang, et l’extraordinaire Amy Brenneman (The Leftovers) en femme divorcée dont la mélancolie cache une puissance intérieure insoupçonnable. Pour elles comme pour eux, il faut entrer dans ce monde à la fois triste et détonant.
The Old Man de Jonathan E. Steinberg et Robert Levine, avec Jeff Bridges, Alia Shawkat, John Lithgow, Amy Brenneman. Sur Disney+ à partir du 28 septembre.
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