À grande série, grande conclusion. Le season finale de “The Last of Us” a tenu toutes ses promesses, et conclut une série savamment conçue de bout en bout, à la fois hautement fidèle au chef-d’œuvre du jeu vidéo qu’elle adapte et ingénieuse dans les libertés qu’elle s’autorise. Notre bilan avec spoilers.
C’est sur une note douce et amère que s’achevait, lundi 13 mars, la première saison de The Last of Us. Pas sur un point final, mais sur des points de suspension.
D’abord parce que HBO, forte des audiences spectaculaires de la série – une moyenne de 7,5 millions de spectateur·trices américain·es par épisode, et une progression d’audience de 75 % entre le pilote et son season finale – n’a pas tardé à annoncer une deuxième saison, dont le tournage pourrait même débuter cette année. Ensuite parce que ce dernier épisode, tour à tour apaisé, déchirant et éprouvant pour les nerfs, nous laisse en suspens, voire même suspendu. Suspendu à la promesse impossible tenue par Joel, et son “I swear” mal assuré ; suspendu au “okay” circonspect d’Ellie, dont le regard embué trahit le doute qui s’est fatalement immiscé en elle.
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C’est que Joel a fait ce choix – qui à la sortie du jeu déjà avait fait couler de l’encre par hectolitres, et alimenté d’insolubles débats – de sauver sa fille putative plutôt que l’humanité. Une conclusion somme toute logique à la trajectoire de ce contrebandier usé, endeuillé par la mort de sa fille, qui a retrouvé au contact d’Ellie, une ado mystérieusement immunisée au virus ayant décimé le monde 20 ans plus tôt, une raison de (re)vivre.
Choix cornélien
Pas question de sacrifier Ellie, dont l’immunité permettrait de fabriquer un vaccin, à l’impossible condition d’extraire de son cerveau un messager chimique, qui entraînerait sa mort. Alors, dans une scène difficilement soutenable, Joel prend les armes, et, de sang froid, effectue un carnage dans les travées de l’hôpital tenu par les Fireflies, où Ellie, endormie, est sur le point de se faire opérer. Arrivé à temps au bloc pour la sauver, il fait deux victimes supplémentaires, emporte Ellie avec lui, et lui formule cet intenable mensonge.
Plus tôt, l’épisode nous gratifiait de deux séquences désarmantes. L’une, suspendue elle aussi, dans laquelle Ellie, jusque là étonnamment bougonne, s’extasie devant le spectacle singulier de girafes flânant dans les ruines de Salt Lake City. L’autre, comme une cicatrice que l’on panse, dans laquelle Joel se confie sur son suicide raté.
Si la première, moment vidéoludique mémorable, est bien connue des joueurs, la seconde est un ajout des scénaristes. Leur enchaînement synthétise à merveille la réussite d’une série qui a su extraire du jeu vidéo qu’elle adapte toute la charge émotionnelle en s’échinant à en suivre rigoureusement la trame – tout en s’autorisant d’ingénieuses libertés. La meilleure des réponses possibles aux interrogations légitimes que suscitait pareille adaptation.
Une immense série
D’un chef-d’œuvre du jeu vidéo, HBO a tiré une immense série, qui n’invente peut-être rien, mais fait tout ce qu’elle entreprend avec un savoir-faire impressionnant. Les talents alliés de Neil Druckmann (réalisateur des jeux et grand manitou de Naugthy Dog, le studio à leur origine) et de Craig Mazin (showrunner de Chernobyl) et l’alchimie entre Bella Ramsey et Pedro Pescal ont réalisé cette prouesse que de nombreux joueur·euses jugeaient impensable : raconter la même histoire, et nous bouleverser encore.
La suite, qui de l’aveu des deux créateurs scindera le second jeu en deux saisons, s’annonce au moins aussi bouleversante, si ce n’est plus… Parole de joueur.
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