Portrait d’un homme malpoli qui survit dans un monde (presque) vide, cette sitcom confirme la bonne tenue des nouveautés comiques cette saison.
Pour les amateurs de séries, l’un des contrastes les plus évidents entre l’Amérique ou l’Angleterre et le reste du monde tient à leur capacité à produire des comédies à la hauteur de leurs drames. Depuis des décennies, le genre est travaillé avec la même profondeur et le même investissement, des viviers d’auteurs existent (l’émission Saturday Night Live aux Etats-Unis, notoirement) et des chaînes s’engagent pour mettre à l’antenne des projets secouants, ambitieux, bizarres. Depuis le début de l’année, la tendance se confirme largement. On perçoit même une suprématie passagère. Mise à part Better Call Saul – qui d’ailleurs flirte elle aussi avec une forme d’humour absurde –, les meilleures nouveautés sont des comédies. Mais attention, les codes ont changé.
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Man Seeking Woman (FX) raconte l’aventure totalement folle d’un jeune homme qui peine à se remettre d’une rupture et dont la vie devient une suite de visions – la plus extrême étant de croire que son ex est désormais maquée avec Hitler. Catastrophe (Channel 4) suit en live la rencontre de quadras en plein retour d’adolescence, mais avec des problèmes d’adultes à base de bébé. Unbreakable Kimmy Schmidt (Netflix) retravaille la sitcom pour en mettre à plat les structures idéologiques avec une légèreté souvent géniale. Et voilà The Last Man on Earth, accrochée aux basques de son personnage principal barbu, un dénommé Phil, fan de bière à haute dose qui pense être le seul homme ayant survécu à l’Apocalypse. Il s’installe dans le Texas après avoir parcouru l’Amérique en van sans rencontrer personne et finit par tomber sur une autre survivante, une fille globalement peu sexy mais d’une présence implacablement vivante.
Un Walking Dead sans zombies
Par ses choix rythmiques plutôt lents, son univers proche des comédies noires d’ordinaire réservées au câble, cette série diffusée par la Fox émoustille. Elle le fait d’abord en n’offrant que peu de réponses à nos potentielles interrogations. Oui, plutôt un bon signe. The Last Man on Earth ne s’embarrasse pas avec les évidences narratives. Après quatre épisodes, on ne sait toujours pas pourquoi les autres habitants de la planète Terre se sont volatilisés – en laissant quand même les supermarchés et les stations d’essence pleins –, ni vraiment ce que les personnages ont abandonné derrière eux, leur ancienne vie. Cela viendra probablement. Pour l’instant, nous sommes devant une sorte de The Walking Dead sans zombies, ni même l’ombre d’un cadavre. Un survival fonctionnant à partir de situations quotidiennes banales portées à leur point d’incandescence mélancolique par l’idée de fin de la civilisation.
Légèrement moins fulgurante après un début placé sous les auspices du très beau Seul au monde de Robert Zemeckis, la série gagnerait à se concentrer davantage sur les moments où Phil se retrouve face à lui-même, en pleine interrogation sur son goût plus ou moins prononcé pour la mort – le suicide semble à un moment une option. En cassant la solitude extrême de son personnage pour la peupler avec une femme, puis deux, The Last Man on Earth prend un léger risque de normalisation et se transforme peu à peu en étude moins surprenante des vices et vertus du mâle contemporain, un domaine largement dominé par Louie. On compte malgré tout sur Will Forte, le créateur et acteur principal, pour transformer ce pas de côté en geste créatif. Son expérience majeure dans le monde comique depuis vingt ans incite à ne surtout pas faire la fine bouche. Il paraît aussi qu’il est très fort à Donkey Kong. Qui l’aime le suive.
The Last Man on Earth le dimanche sur Fox
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