Adaptation américaine éthérée d’un thriller danois, entre fascination et lourdeurs.
Tandis qu’en France, scénaristes, réalisateurs, producteurs, diffuseurs et téléspectateurs se grattent la tête en se demandant comment fabriquer des séries un tant soit peu désirables, d’autres, pas si loin, croulent sous les honneurs et semblent avoir trouvé la solution sans difficultés majeures. Le Danemark, qui n’a pas plus de moyens que l’Hexagone dans le domaine télévisuel, tire pourtant son épingle du jeu depuis plusieurs années. Le duo Borgen et The Killing intéresse les sériephiles, mais pas seulement eux. Une adaptation US du drame politique Borgen vient d’être annoncée par NBC tandis qu’il y a quelques mois débarquait le remake de The Killing sur AMC, la chaîne de Mad Men et Breaking Bad. Cette dernière est déjà diffusée en France.
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Son programme est plutôt simple et s’appuie sur les fondations érigées par le créateur original, Søren Sveistrup (d’ailleurs crédité au générique comme executive producer), même si cette première saison américaine compte treize épisodes contre vingt à son homologue made in Denmark. Soit une atmosphère de thriller neurasthénique doublée d’un principe narratif immuable : le récit d’une affaire criminelle et de ses ramifications sur le cours d’une saison entière. Quand on apprend aux premiers plans du premier épisode la mort d’une adolescente de Seattle, Rosie Larsen, retrouvée noyée dans le coffre d’une voiture, on en prend donc pour quelques semaines d’interrogations, de mystères et de fausses pistes. La sensation n’est pas désagréable et même parfois singulière.
http://youtu.be/u9av38iK_Y0
The Killing ressemble à un épisode des Experts qu’une main conceptuelle aurait dilaté à l’extrême. En toute logique, les personnages sont filmés davantage en situation d’échec que de victoire. Les voir traîner leur spleen pendant des heures façonne notre immersion douloureuse et parfois captivée. La lente étude du deuil des parents de Rosie Larsen s’épaissit épisode après épisode, notamment grâce à la mater dolorosa interprétée par Michelle Forbes, une rescapée de 24 heures chono, True Blood et In Treatment. Le personnage féminin principal, l’inspectrice Sarah Linden (Mireille Enos), a tout d’une petite chose tenace et butée.
Les deux meilleurs épisodes de la saison dressent son portrait en (léger) mouvement. Le neuvième, réalisé par Agnieszka Holland, ex de The Wire, est le plus abouti stylistiquement, parfaite alternance de temps morts et de fulgurances tragiques. L’épisode 11, quant à lui, se permet un surplace passionnant. Il se déroule presque entièrement dans la voiture de l’inspectrice et de son compère, rythmé par la mélopée d’une pluie battante qui finit par effacer presque entièrement leurs visages. Le reste de la saison n’atteint pas ces sommets d’abstraction et se vautre parfois dans les détours les plus convenus du thriller ambient sans substance. L’intrigue politique, pourtant majeure, ne prend que par intermittence et finit par s’égarer en chemin.
A trop vouloir jouer avec la rétention de ses informations narratives, The Killing prend parfois le risque de la déception et de la banalité. C’est notamment le cas de son dernier épisode, qualifié sans aucun humour par l’influente critique Maureen Ryan de “plus mauvais season finale de tous les temps”. Rien que ça. On ne dira bien sûr rien de ce qui a causé cette fureur, si ce n’est que la scénariste en chef, Veena Sud, a voulu jouer à la plus fine et a perdu. Les séries qui pensent être plus intelligentes que leur public ne le sont pas toujours. Ce n’est pas non plus une raison pour jeter tout The Killing à la poubelle.
Olivier Joyard
The Killing créée par Søren Sveistrup avec Mireille Enos, Joel Kinnaman, Michelle Forbes, première diffusion sur Paris Première le 17 octobre à 20 h 35
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