La série documentaire emblématique des années 2010 revient avec une nouvelle saison, qui illustre la passion jamais démentie pour un genre pourtant moins créatif qu’auparavant.
La fascination pour le true crime est-elle bien raisonnable ? Elle n’est en tous cas pas prête à s’estomper si on en croit la permanence du genre sur les plateformes, avec des résultats plus ou moins aboutis, mais un succès constant. Récemment, Outreau : un cauchemar français (Netflix) revenait sur l’une des affaires les plus marquantes des années 2000, tandis que prochainement, une autre série documentaire, Insoupçonnable, racontera pour France 2 la traque du Grêlé, un criminel en série.
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Un plaisir coupable
À chaque fois, les mêmes dispositifs, faits de témoignages souvent forts, d’archives plus ou moins inédites et de reconstitutions souvent fastidieuses. Un petit goût de Faites entrer l’accusé, avec davantage de moyens et souvent moins de punch que ce monument de télé populaire semi-kitsch. Reste que le plaisir de ces séries documentaires est bien réel, depuis que l’incroyable Making A Murderer nous tenait collectivement captifs de Netflix bien avant toute forme de pandémie. C’était en 2015. The Jinx, apparue sur HBO quelques mois plus tôt, avait ouvert la voie.
La voici de retour, près d’une décennie plus tard. Cette création du réalisateur Andrew Jarecki (à qui l’on devait l’excellent doc Capturing the Friedmans) a suivi, avec sa bénédiction, un multimillionnaire de l’immobilier soupçonné des meurtres de trois personnes : sa femme Kathie Durst, son amie écrivaine Susan Berman, ainsi que Morris Black, un voisin retrouvé démembré. Dans le dernier épisode, alors que son micro était ouvert, Durst s’était parlé à lui-même lors d’une pause toilettes, semblant admettre les crimes : “Bien sûr, je les ai tous tués.” Vingt-quatre heures avant la diffusion, il était arrêté lors d’une tentative de cavale. Une histoire folle.
Fascinantes mises en abyme
La deuxième saison, dont nous avons pu voir les quatre premiers épisodes délivrés à la presse (sur les six prévus au total) joue à fond sur l’importance qu’a eu… la première saison dans la médiatisation et même le fond du dossier. Le choc de la révélation et de l’épisode 6 est mis en scène, avant que le procès qui a suivi l’arrestation de Durst ne devienne la matière principale du récit.
De toute évidence, la stupeur est moindre, l’intérêt forcément dilué devant une affaire que l’on ne découvre plus vraiment. Mais, The Jinx reste d’un très bon niveau, dressant le portrait en coupe d’une certaine Amérique où les rapports d’argent et de pouvoir structurent les intimités. Durst, homme étrange à la voix trainante, reste l’un des personnages les plus étonnants qui soient, comme une sorte de réjection malade du pays.
Cette nouvelle saison vaut aussi pour ce qu’elle raconte de l’importance des faits divers et notamment des séries documentaires dans la culture globale. De ce point de vue, The Jinx a presque une composante “meta”, capable d’intégrer la fascination qu’elle a elle-même provoquée il y a dix ans, de jouer sur les éléments formels du genre – notamment l’utilisation des coups de fil passés au parloir par Durst – pour ouvrir des abîmes en nous. La folie des hommes restera toujours un sujet, plus que jamais quand les techniques narratives propres aux séries s’en emparent.
The Jinx saison 2. Accessible via le Pass Warner (sur Prime Video).
Édito initialement paru dans la newsletter cinéma du 24 avril 2024. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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