Carton de la rentrée aux Etats-Unis, The Good Doctor remixe la série médicale autour d’un héros autiste. Par David Shore, le créateur de Dr House.
A force de dire que les séries dramatiques grand public avaient perdu la partie face à la créativité galopante du câble et du streaming, on a fini par ne plus les regarder. Ce sont elles, pourtant, qui ont structuré l’amour collectif du genre avant le changement de cap des années 1990 et 2000. Elles qui ont travaillé au corps des générations de spectateurs avec des récits réconfortants et souvent plus tordus qu’on ne pouvait le croire.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
L’an dernier, le mélo familial This Is Us est venu relancer brillamment cette machine cahotante, que l’Américaine Shonda Rhimes (avec Grey’s Anatomy, notamment) maintenait sous assistance respiratoire depuis quelques années. Cette rentrée, un nouveau hit s’est construit en quelques semaines, un carton comme on n’en fait plus.
Des souvenirs d’Urgences affleurent
The Good Doctor raconte l’arrivée d’un jeune chirurgien dans un établissement du nord de la côte californienne. Hôpital flambant neuf et aussi lumineux que celui du Seattle Grace – les vrais sauront –, ambition messianique de docteurs pourtant bourrés de failles, réalisme sanguinolent des scènes d’opération… tout ou presque est fait pour accoler cette série médicale à celles qui l’ont précédée. Des frissons venus de nos souvenirs de la série Urgences affleurent, des gestes rassurants, des seringues qui piquent nos yeux autant que les peaux, des visages concentrés au moment où le destin tranche entre vie et mort.
Le pas de côté par rapport aux glorieux ancêtres concerne le jeune chirurgien dont la série fait son héros. Atteint d’un TSA (trouble du spectre autistique, dernière terminologie en date du syndrome autistique), Shaun Murphy est un génie asocial. Ses raisonnements et diagnostics, incarnés par des visualisations de l’intérieur des corps des patients, empruntent des chemins de traverse sinueux et captivants. Ils sont comme des histoires que l’on se raconte à soi et qui finissent par avoir du sens.
Il est difficile de jumeler le claudicant et furibard House avec l’être plus frontalement poétique présenté ici
On regarde d’abord la série pour les habiter, délirer avec ce garçon émouvant. Ce cheminement d’une pensée en action rappelle un autre totem médico-sériel contemporain, Dr House évidemment, qui partage avec The Good Doctor son créateur David Shore. Mais les différences sont assez flagrantes pour jouer la comparaison durant quelques minutes, avant d’embarquer l’esprit léger dans cette aventure spécifique. The Good Doctor est adaptée d’un drama sud-coréen du même nom et il est difficile de jumeler le claudicant et furibard House avec l’être plus frontalement poétique présenté ici.
Shaun crée un monde qu’il offre de partager avec nous. Son rapport au langage consiste à buter un temps sur les mots avant de trouver la formulation limpide. Le regarder chercher suffit à créer une expérience singulière, même s’il est entouré de personnages plus classiques – le fameux chirurgien en chef carnassier, la fameuse chirurgienne résidente hantée, le fameux patron bienveillant…
Un effet d’identification implacable
Freddie Highmore, vu dans Charlie et la chocolaterie ou encore Bates Motel, marche ici sur un fil, stylisant au maximum sa voix pour créer une diction dont il faut quelques minutes dans chaque épisode pour l’accepter. Ce genre de performance – dont le parangon serait Dustin Hoffman dans Rain Man – crispe autant qu’elle produit un effet d’identification implacable sur la durée. On ne peut pas vraiment en vouloir à The Good Doctor de nous forcer à vivre avec.
Sans être décoiffante d’originalité, voici une série capable de remixer avec aisance de vieux codes dans un monde en mutation, où la question des minorités occupe enfin une place centrale. Surtout, The Good Doctor – titre beaucoup moins ironique que ne le fut en son temps The Good Wife – ne cache pas ses bons sentiments et enterre pour de bon l’obligation de façonner un récit crédible autour d’un (anti)héros. Elle plaide pour une nouvelle mouture du héros positif, un type harponné par les traumas mais assez lumineux pour façonner un imaginaire complexe et désirable. Un héros qui prend soin de nous sans être tout à fait capable de prendre soin de lui-même. Pourquoi pas ?
The Good Doctor Sur ABC
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}