Alors qu’Elizabeth II vient de décéder, cette avant-dernière saison très attendue raconte la décennie la plus compliquée de son règne.
“La grande métaphore : le feu.” C’est la reine Elizabeth qui parle, dans l’un des premiers épisodes de la cinquième saison de The Crown, peut-être la série la plus attendue de l’année. Nous sommes en 1992, célèbre “annus horribilis”, selon l’expression effarée de la souveraine. Sexagénaire, elle contemple alors l’un de ses palais réduit en ruines par un incendie, avec ce sentiment que la fin, subitement, se matérialise dans la destruction d’un symbole.
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Fin de la monarchie ? Fin possible d’une vie, la sienne en l’occurrence ? Le mélange des deux est assez subtil, comme toujours dans la création de Peter Morgan, qui prend cette année un sens nouveau. Dans le monde réel, trente ans plus tard, the Queen is dead. Quelle que soit notre position de citoyen·ne vis-à-vis de son règne qui aura duré sept décennies, avant de s’achever le 8 septembre dernier après quatre-vingt-seize années de présence sur terre, cela ajoute une ombre au tableau, un voile de mélancolie et de danger. Le spectateur ou la spectatrice que nous sommes ne peut que le reconnaître.
Un casting complètement renouvelé
Depuis ses débuts en 2016, The Crown a rempli une fonction étrange : raconter la biographie d’une femme vivante, avec la quasi-certitude que celle-ci disparaîtra avant que la fiction ne s’achève. Durant les premières saisons, l’écart avec la réalité se déployait sans problème, parce qu’il était question d’une reine encore largement méconnue des nouvelles générations et relativement jeune. La quatrième saison avait un peu changé la donne, traversant les années Thatcher (on se souvient de la géniale Gillian Anderson dans le rôle) qui avaient placé Elizabeth II sur le devant de la scène mondiale. Sans oublier la suite, où tout cela n’a fait que s’accentuer, scandales dans les tabloïds et malheurs obligent.
Cette saison 5 (l’avant-dernière, puisque six ont été prévues au total) débute en 1991 et prend en charge la décennie la plus difficile de la monarchie, celle où la princesse Diana meurt dans le tunnel de l’Alma. Une histoire de crépuscules, donc, qui s’accompagne d’un changement complet du casting, avec notamment Imelda Staunton dans le rôle titre, et le très cool Dominic West (ex-McNulty dans The Wire, pour celles et ceux qui n’auraient pas déjà tilté) dans la peau de Charles. Ce qui, avouons-le, semble plutôt flatteur pour l’actuel Charles III, au charme relativement inférieur à celui de son double de comédie. Pour Diana, il est temps de passer à autre chose, et ce changement s’incarne en la personne de Dodi Al-Fayed, dont la famille fait une entrée remarquée – et remarquablement traitée – au début de la saison.
Vieillir sans regrets et sans craintes
On le voit, il y a toujours beaucoup de monde autour d’Elizabeth II. Sans dévoiler l’intrigue qui, de toute façon, suit les torrents de l’histoire en marche, on peut dire que The Crown, plus que jamais, a décidé de faire de sa reine un astre autour duquel tourne la fiction, un réceptacle condamné à réagir aux passions des autres. Et les siennes, alors ? Elles passent au deuxième, voire troisième plan. Imelda Staunton semble avoir compris que cette position frustrante pouvait irriguer son jeu et transporte avec elle quelque chose d’un peu sec, à la fois agacé par les faiblesses de ses proches et en constante recherche d’amour. Il faut un peu de temps pour s’y habituer. Mais cela prend une tournure vraiment intéressante quand le réalisateur fait le portrait du couple royal, forgé par le temps et l’idée du bilan.
Comment vieillir sans regrets et sans trop de craintes ? Ce sujet émouvant et profond, The Crown doit le faire sien pour son ultime ligne droite, parce qu’il concerne autant son sujet qu’elle-même. Les grandes séries sont forcées d’apprendre à se terminer et ont parfois le luxe de choisir comment. On aimerait beaucoup entrer dans le secret des réflexions actuelles de Peter Morgan et de son équipe, histoire de ressentir le vent glacé qu’a provoqué le décès d’Elizabeth II pour les scénaristes. En ce moment même, une esthétique de la disparition se met en place. Mais avant cela, profitons de la série tant qu’elle est encore là, avec ses quelques défauts pantouflards (beaucoup de dorures un peu trop complaisamment filmées) et sa constante recherche de finesse.
The Crown saison 5 de Peter Morgan, avec Imelda Staunton, Dominic West, Jonathan Pryce. Sur Netflix à partir du 9 novembre.
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