Le cinéaste Whit Stillman, auteur de « Metropolitan » ou « Damsels in Distress », vient de tourner à Paris un pilote de série ultra prometteur pour Amazon. Rencontre autour d’un bon verre de bordeaux.
Etre parisien – ou plutôt, dans la langue délicieuse de Stillman, « a Parisian » – ou ne pas l’être : telle est la question que pose The Cosmopolitans, sa toute première série, produite par Amazon. Le tout-puissant vendeur en ligne s’est en effet lancé il y a deux ans dans la production de « contenus originaux » pour concurrencer Netflix sur le marché de la VOD. A l’hypersérie précalibrée en fonction des goûts calculés du public (House of Cards, Orange Is the New Black), Amazon oppose un principe de choix après visionnage : le 28 août, aux Etats-Unis et en Angleterre seulement (mais il ne sera pas compliqué de contourner cette règle…), les pilotes sont mis gratuitement à la disposition des utilisateurs. Les internautes sont ensuite amenés à voter pour leurs séries favorites dans le but qu’elles soient développées sur le long terme. Simple comme bonjour.
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Whit Stillman s’est ainsi vu commander un pilote de vingt-cinq minutes, avec pour seule contrainte qu’il se passe à Paris, désormais visible en ligne.
« Quand ils m’ont contacté, ils avaient déjà un scénario se déroulant ici, mais comme j’y ai vécu plusieurs années, au début des années 2000, j’avais un tas de notes sur le sujet et autant d’idées personnelles. Je suis donc parti de mon propre matériau », nous explique le cinéaste, toujours avenant, à la terrasse d’un café, autour d’un verre de bordeaux.
C’est justement dans ces conditions que se noue l’intrigue du premier épisode. Trois jeunes hommes, tous expatriés (dont Adam Brody, jadis héros de Newport Beach aperçu depuis dans Damsels in Distress, le dernier long métrage de Stillman), sont attablés et discutent des avantages et inconvénients des femmes françaises. L’un d’entre eux vient de se faire larguer (pour la seizième ou dix-septième fois) par Clémence, il est désespéré. Après avoir salué la mystérieuse et hautaine « fille au manteau doré » qui passait par là (Chloë Sevigny, exquise), ils convient à leur table une petite Américaine esseulée (Carrie MacLemore, l’une des cinq demoiselles en détresse, la plus menue). Ensemble, ils tenteront de se consoler à la soirée organisée, le soir même, par le très pédant Fritz.
Un romantisme suranné, des danses endiablées…
En une poignée de minutes, tout l’univers de l’auteur de Metropolitan est convoqué : des jeunes gens bien éduqués quoique pas forcément riches, un groupe investi par un outsider, de longues discussions volontiers digressives, un romantisme suranné et puis, bien sûr, des danses endiablées, toutes chemises tombées (on ne vous en dit pas plus)… Qu’importe alors le côté carte postale puisque, comme tous les grands cinéastes américains ayant filmé Paris (Minnelli, Donen, Wilder, Allen…), Stillman figure avant tout un univers mental, une bulle qui ne demande qu’à faire plop – être parisien ou ne pas l’être…
« Pour dire la vérité, la série est beaucoup plus metropolitanesque que je ne l’imaginais, se justifie-t-il, avec l’air malicieux. J’avais l’intention de rester assez réaliste, mais vous comprenez, à Paris, pour un tournage, on ne vous offre que des lieux magnifiques, extrêmement luxueux et inaccessibles au commun des mortels, alors… »
S’il avoue ne jamais regarder de séries (« à part quelques épisodes de Desperate Housewives, dans l’avion uniquement »), et n’avoir pas eu plus de liberté que sur ses longs métrages, il a tout de même adoré l’expérience, pour son intensité (« on est comme sur un bateau, où tout le monde est encore plus impliqué que sur un film de cinéma »), et pour la possibilité de multiplier les pistes narratives et les personnages. En résulte un pilote prometteur, drôle et léger comme une bulle de champagne (qui fait plop), parfaite introduction au « Whitland » pour ceux qui ne l’ont jamais foulé, idéal appendice pour les autres. En espérant qu’on aura vite l’occasion d’y replonger.
Jacky Goldberg
The Cosmopolitans à voir sur Amazon.com
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