Série placée sous les signes de la rupture et de l’altérité, The Affair pourrait bien, avec sa saison 4, accomplir ce qui est le propre de toute destinée humaine : le déclin.
Comment vieillissent les séries ? Peut-être comme celles et ceux qui les regardent : pleines de l’espoir de devenir meilleures avec le temps, mais gardant l’intuition secrète que le plus beau restera derrière elles – comme un âge d’or dont elles n’ont eu conscience qu’après l’avoir traversé. La réalité confirme souvent cette intuition.
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On ne compte plus les séries qui arrêtent de se ressembler, ou au contraire qui se ressemblent trop, celles qui avancent épisode après épisode dans un brouillard de plus en plus épais, quand elles s’aventurent au-delà de leur date de péremption. Il faut savoir arrêter une série. Cette date est très compliquée à déterminer puisqu’elle change selon le potentiel des histoires à raconter, la persistance des scénaristes, la bonne humeur des patrons de chaînes, l’amour du public et autres facteurs plus ou moins palpables.
L’impression que la série existe depuis toujours
Si un colosse sériel comme Friday Night Lights a duré exactement le temps qu’il fallait – cinq saisons – sans avoir le choix de sa date de sortie et en ayant vécu une sévère baisse de rythme un peu avant le milieu de son existence, d’autres ont continué à voguer sans que grand-monde ne sache pourquoi, telle Urgences, qui a arrêté les frais après quinze saisons – et au moins sept de trop, ce qui ne nous a pas empêchés de la suivre jusqu’au bout, par fidélité.
Le plus étonnant avec The Affair, c’est à quel point elle est devenue très vite une vieille série. Alors qu’elle entame sa quatrième saison, un chiffre respectable mais loin d’être exceptionnel, la création de Hagai Levi et Sarah Treem (devenue seule showrunneuse) donne l’impression d’exister depuis toujours, voire de tirer à la ligne depuis un certain temps.
The Affair a rompu avec sa fiction de départ. La suivre aujourd’hui demande d’accepter cette rupture. Ce qui est, faut-il le rappeler, le sujet de la série…
La troisième saison, située en partie à Paris, avait laissé pas mal de fans sonnés, en favorisant de manière définitive l’éclatement de son récit. Une ellipse de trois ans avait laissé Noah (Dominic West) et Alison (Ruth Wilson), le couple adultère dont tout était parti, loin l’un de l’autre, tandis que les ex, Cole (Joshua Jackson) et Helen (Maura Tierney), attiraient de plus en plus l’attention. Avec ce désir de mettre en scène un collectif constitué de personnages qui ne se croisent pas tous, The Affair a rompu avec sa fiction de départ. La suivre aujourd’hui demande d’accepter cette rupture. Ce qui est, faut-il le rappeler, le sujet de la série…
Dans cette quatrième saison, Noah a déménagé à Los Angeles pour rester près de ses enfants, car Helen s’y est installée avec son nouveau mec pour des raisons professionnelles. Il trouve un emploi dans un lycée à majorité noire, face à une altérité ethnique et sociale nouvelle. Après la nouvelle garde féministe à laquelle la série le confrontait dans la saison 3, cette manière de faire de Noah le prototype du mâle blanc intello en pleine introspection n’est pas le choix le plus judicieux de la série.
Soigner et si possible guérir les corps
A vrai dire, peu de choix scénaristiques de The Affair nous semblent judicieux aujourd’hui, ce qui ne signifie pas qu’elle nous tombe des yeux. C’est là que le mécanisme étrange de l’amour des séries entre en jeu, quand elles prennent en compte une somme de non-dits pour finalement émettre une vibration particulière en profondeur, sans lien évident avec ses intrigues.
Dans cette nouvelle saison, Alison a trouvé un travail de conseillère pour des personnes ayant, comme elle, subi un deuil violent – elle a perdu un enfant avant que la série ne débute. A Los Angeles, Helen se trouve confrontée à une urgence de vie ou de mort. Partout dans The Affair il est question désormais de soigner et si possible guérir les corps, les cœurs, les cerveaux, de comprendre leurs traumatismes et d’allonger leur durée de vie.
Après avoir montré des vagues mortifères dans son générique (le fils d’Alison est mort noyé), la série devient une vague consolatrice pour elle-même, pour ses personnages, et pour nous, spectateurs et spectatrices un peu paumés devant ce soap sophistiqué où personne ne marche vraiment droit. L’espoir d’un nouvel amour et d’une nouvelle vie ne peut exister qu’à ce prix, qu’après s’être confronté à ce qui nous fait décliner. Si elle y parvient, The Affair pourra encore durer longtemps.
The Affair Saison 4 sur Showtime
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