La nouvelle saison de The Affair a démarré en interrogeant de manière ambiguë le statut de son héros. Révolution ou arnaque ?
Il y a deux ans paraissait en France un livre sur le nouvel âge d’or des séries : Des hommes tourmentés (Difficult Men en VO) de Brett Martin. Son diagnostic : l’histoire contemporaine des séries, et leur passage massif vers l’âge adulte, se sont accompagnés de personnages masculins à la morale douteuse, ces fameux antihéros que les spectateurs ont adoré détester, imaginés par des showrunners masculins.
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De Tony Soprano à Dexter Morgan, en passant par les cow-boys et shérifs déchaînés de Deadwood mais aussi du côté de Don Draper (Mad Men) et de Walter White (Breaking Bad), rien ne nous a été épargné des difficultés psychiques d’hommes blancs en proie à leurs démons.
Identification d’un homme
Cela a donné quelques chefs-d’œuvre, mais il était temps d’en sortir. La fin de Breaking Bad, en 2013, semblait sonner le glas. Dans le dernier épisode, Walter White parlait à sa femme Skyler de ses pratiques dangereuses et illégales – cet ancien prof de chimie atteint d’un cancer avait muté en parrain de la drogue – avec des mots dignes d’un éloge funèbre : “Tout ce que j’ai fait (…) je l’ai fait pour moi. J’ai aimé. J’étais doué… Je me sentais vivant…”
L’égoïsme des antihéros dévoilé, la foire à la testostérone mélancolique s’achevait. Sauf que… quelques séries, et notamment The Affair, sont apparues dans la foulée pour interroger cet héritage.
La création d’Hagai Levi et Sarah Treem a pourtant pris le prétexte d’une double vision entre masculin et féminin pour marquer son originalité – une aventure extraconjugale racontée depuis les deux points de vue se succédant au milieu des épisodes. Mais tout est fait depuis le début pour que l’identification ait lieu d’abord en fonction de l’homme, Noah Solloway, écrivain marié en proie à une crise de la quarantaine carabinée.
Barbu loser
Dans le premier épisode de la troisième saison, diffusé la semaine dernière, la série renonce même pour la première fois à son dispositif d’alternance pour se consacrer uniquement à lui. (attention spoiler) Incarcéré trois ans pour un crime qu’il n’a probablement pas commis, Noah sort de prison. Son père meurt. Sa femme est présente mais il refuse de vivre avec elle. Sa maîtresse semble avoir disparu. Louant un appartement miteux, il s’installe comme prof dans une université où les étudiants et le staff l’accueillent pour la plupart avec méfiance.
Noah incarne une version dégradée de lui-même que Sarah Treem, la boss de The Affair, se plaît à exhiber. De mâle “dominant” balançant entre deux femmes, son héros a muté en solitaire accablé, barbu loser et sans puissance. Lors d’un dîner, scène clé de l’épisode, il doit donner son avis sur une affaire de viol. Personne n’est d’accord. Un étudiant pense que les féministes en font trop car l’agression n’a peut-être pas été prouvée, une étudiante s’insurge contre la culture masculiniste du viol.
Plus ambiguë que jamais
Sans vraiment réfléchir, Noah plaide pour l’ambiguïté de tout rapport sexuel et séduit par la même occasionune prof française (Irène Jacob) qui voit en lui une âme sœur au-delà de la morale. Dans le même temps, on comprend que Noah a été agressé en prison par un gardien et que sa vie est devenue un enfer paranoïaque… à cause du pouvoir qu’un homme exerçait sur lui.
Comme le plaidoyer de Noah le suggère, The Affair est plus ambiguë que jamais. Au temps des héroïnes majeures (Fleabag, Jessica Jones, Transparent), sommes-nous face à une série de plus qui excuse les errements d’une figure de la masculinité blessée ? Au contraire, une déconstruction méthodique de ce statut est-elle en train de se jouer ? La suite de la saison le dira. On ne la quittera pas des yeux.
The Affair saison 3 tous les mardis, 23 h 25, Canal+ Séries
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