La quatrième et dernière saison de la série sur les magnats des médias a atteint son plus haut point émotionnel avec la mort de l’un des personnages principaux. Attention, spoilers !
Il fallait bien que cela arrive. Depuis des années, il respirait fort, il vacillait, enchaînait les malaises, au point que l’on se demandait comment il tenait encore debout entre deux salves d’insultes qui semblaient le maintenir en vie. Logan Roy, le patriarche, a fini par chuter. Et la série de Jesse Armstrong nous a rappelé pourquoi elle s’appelle Succession, dans un épisode destiné à marquer l’histoire du genre. Tout est arrivé presque par hasard, au moment où on ne l’attendait plus. Le boss voyageait vers l’Europe pour tenter de finaliser la revente de son entreprise, non sans difficultés. Alors qu’on a souvent comparé le personnage joué par Brian Cox à un King Lear contemporain, lui n’est même pas mort de chagrin, ce qui l’aurait rendu tragique. Les choses se sont passées de manière beaucoup plus triviale, à l’image de la cruauté de la série, qui cherche depuis quatre saisons à montrer des zombies, incarnations morbides du capitalisme financier le plus dévoyé.
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Logan, donc, est mort d’un arrêt cardiaque dans son jet privé. Ses enfants ont appris son décès par téléphone alors qu’ils et elles commençaient à fêter le mariage de Connor sur un yacht spécialement affrété pour l’occasion. Tant d’argent pour terminer sa course sur le dos, inanimé : le privilège ne protège pas toujours. Jesse Armstrong, qui signe ici seul le scénario, dit avoir réfléchi à la mort de Logan Roy depuis plusieurs saisons, prenant le temps de choisir le meilleur moment – c’est-à-dire le moins prévisible – pour qu’elle survienne, et d’imaginer la meilleure manière de la montrer. Son choix s’avère assez radical, car tout l’épisode tourne autour d’une disparition littérale de Logan Roy. Comme une rupture d’image et de son.
Je t’aime, mon non plus
Alors que des membres de l’équipage du jet tentent de le ranimer par un interminable massage cardiaque (l’épisode se déroule quasiment en temps réel), on ne voit pas le vieil homme agoniser. Tout s’organise autour d’un appel où ses enfants, Kendall, Roman et Shiv sont amené·es à lui dire au revoir, chacun·e à son tour, sans savoir s’il peut les entendre. Comme rien ne se passe normalement dans Succession, la scène s’étire en longueur, au gré des sanglots et de la panique de celle et ceux qui pourtant, étaient entré·es en conflit ouvert avec leur père, jusqu’à la rupture. Je t’aime, mon non plus. Le chagrin explose à la figure de tout le monde, de manière confuse puisque Logan n’a pas encore été déclaré mort. Tout l’épisode, on s’en rend compte après, se déroule dans les limbes, quand le chaos guette mais n’a pas encore tout à fait pris sa forme définitive. C’est très émouvant. Or, Succession n’a jamais vraiment accepté de l’être depuis qu’elle est arrivée sur les écrans en 2018.
On note une seule exception à la règle de ne pas montrer le vieil homme sans vie : un plan de l’arrière de sa tête, inerte, presque médical. Un plan et c’est tout, comme un cachet du showrunner-légiste prouvant la réalité de ce qui se passe. Pour le reste, tout est soigneusement organisé afin que la masse Logan Roy débute sa putréfaction hors-champ.
Préparer l’après
D’abord, l’action se déroule longtemps sur le yatch, en parallèle au jet privé. Ensuite, seul Roman va identifier le cadavre de son père quand l’avion a atterri, mais hors de notre vue. On ne saura rien de plus, sinon que pendant une cinquantaine de minutes, et alors qu’il reste sept épisodes après celui-ci, Succession nous aura appris à vivre sans Logan. Même si, comme le veut l’ultralibéralisme ambiant, business must go on : pour éviter la chute économique de l’entreprise, il faut préparer l’après et les collaborateurs de Waystar Royco s’y attellent.
Pour nous, c’est forcément un regret, tant ce personnage incarnait un repoussoir brutal mais fascinant. C’est aussi le début d’une curiosité : comment se débrouiller sans “dad” ? Pour ses enfants, c’est bien autre chose qui se joue. L’épisode aura souligné de façon directe ce que la série a mis en scène de façon plus ou moins indirecte depuis le début, cette absence longtemps symbolique du père – y compris de son vivant – devenue aujourd’hui concrète, comme un trou béant rempli de bile noire et d’un soupçon d’espoir. Il aura fallu trois saisons et trois épisodes pour y parvenir. Et tout ce que Succession a retenu jusqu’à présent, elle va pouvoir le lâcher. Une autre série qui commence ?
Succession saison 4. Accessible via le Pass Warner sur Prime Video.
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