Pour leur dix-neuvième saison, les créateurs de « South Park » ont renversé leurs propres codes en imaginant que la petite ville du Colorado était devenue une « dictature de la bien-pensance ». Ils confirment ainsi leur intention de miser sur des intrigues feuilletonnantes, qui donnent une nouvelle dimension à la série animée.
Avec ses petites lunettes et son imposante tignasse blonde, la principale Victoria faisait partie du paysage de South Park. Depuis 18 saisons, elle apparaissait à intervalles réguliers pour filer des heures de colles à Cartman ou prononcer quelques discours dépassionnés devant des élèves amorphes. Cette époque est révolue. Principale Victoria a été remplacée par un homme baraqué à la voix de stentor et au t-shirt moulant du nom de « PC Principal », ou « principal du politiquement correct ».
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La nouvelle saison de South Park s’ouvre sur l’arrivée de PC Principal dans le gymnase de l’école primaire de la petite ville du Colorado. « Je ne sais pas pour vous, mais moi j’en ai ras le bol de la manière dont les minorités sont marginalisées de nos jours dans notre société. Je suis là parce que cette école est restée bloquée dans le passé! », assène-t-il devant un gymnase rempli d’écoliers circonspects.
Et de continuer en citant quelques moments marquants de l’histoire de la série animée:
« Des élèves qui utilisent encore l’insulte ‘mongol’. Un enseignant qui a dit que les femmes sans utérus devraient faire un test de dépistage du sida (…) Nous sommes au Colorado, non ? Où sont les enfants hispaniques? Où sont les minorités ethniques et raciales? »
Aussi, PC Principal a décidé de mettre de « l’ordre » dans tout ça ; de faire la chasse au politiquement incorrect, au gore, à l’offensant, bref, à South Park. Même Kyle, d’habitude garant de la « bien-pensance » de la série animée, n’aura plus le droit de faire des speechs enflammés à la fin des épisodes, car le nouveau proviseur ne le trouve pas assez tolérant.
Le politiquement correct comme fil rouge
Pour mieux se moquer de l’importance grandissante des mouvements anti-racistes, LGBT et féministes, Matt Stone et Trey Parker (les créateurs de la série) ont inventé un monde dans lequel leurs partisans ont « gagné », poussant naturellement le concept du « on ne peut plus rien dire » à l’extrême. Ils commencent ainsi par s’en prendre à Kyle car il refuse de dire que Caitlyn Jenner, qui a fait son coming-out transgenre en Une de Vanity Fair en juillet dernier, est « une héroïne ».
La bataille contre le politiquement correct servira de toile de fond à toute la dix-neuvième saison. Depuis quelques années, South Park peut s’apprécier comme une série feuilletonnante, où un thème permet de lier les épisodes entre eux et offrir une intrigue sur le long cours avec des péripéties qui se répondent les unes aux autres. L’an passé, l’incroyable storyline de Randy, dont on découvrait qu’il était la chanteuse Lorde, était simplement jubilatoire.
>> A lire aussi: notre avis sur la saison dernière (et ode à Randy)
En s’attaquant à la « bien-pensance », South Park cède-t-elle toutefois aux critiques faciles qu’elle avait jusque-là réussi à éviter ? Depuis le raz-de-marée médiatique causé par l’annonce de la transition de Caitlyn Jenner, il est à la mode d’insister sur le fait qu’on n’a « plus le droit de se moquer des personnes transgenres ». Des comiques américains comme Anthony Jeselnik (dans son dernier spectacle Thoughts and prayers sur Netflix) ou Bill Burr (invité dans le talk show de Conan O’Brien au mois d’août) s’en sont fait les porte-étendards, récoltant au passage plusieurs vives critiques.
La série renverse ses codes
La série animée de la chaîne Comedy Central a toujours joué sur plusieurs niveaux de comique, de l’humour bien gras à l’intertexualité la plus pointue. Ce qui la sauve ici – et fait qu’on ne peut pas la classer parmi les détracteurs classiques, et fatigants, de la « bien-pensance » – est qu’elle ose renverser ses propres codes. Jusqu’ici, la voix des minorités n’était portée que par Kyle, qui s’opposait à tous les rednecks de la petite ville « bloquée dans le passé« . Aujourd’hui les « ploucs » ont fait allégeance au politiquement correct… Mais uniquement en apparence.
Le quatrième épisode – dans lequel Cartman s’amuse à lancer des injures racistes à un enfant mexicain – montre bien qu’au fond d’eux, les personnages ne font que suivre une tendance. Celle-ci leur passera, comme l’utilisation abusive de Yelp, la plateforme de notation de commerces locaux en ligne, qui a transformé momentanément les South Parkiens en horribles foodistos imbus de leur personne.
En parallèle de cette intrigue/fil rouge, la série animée continue de surfer sur l’actualité pour tourner en ridicule les absurdités de la société américaine. Les auteurs taclent ainsi Donald Trump, magnat de l’immobilier et candidat à l’investiture républicaine en vue de l’élection présidentielle de 2016, toujours en tête des intentions de vote malgré ses multiples déclarations abjectes. Et Lena Dunham, qui a récemment quitté Twitter et payé des assistants pour lire et poster des messages à sa place, en prend également pour son grade pour son utilisation « aseptisée » d’internet.
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