Sons of Anarchy, l’une des séries les plus solides issues du câble américain est toujours aussi méconnue en France. A redécouvrir en DVD.
Il y a quelque chose de l’ordre du rendez-vous manqué entre Sons of Anarchy et la France. Alors que la plupart des créations importantes issues du câble américain ces dernières années – de Mad Men à Homeland – ont trouvé un écho chez nous, impossible de placer le bébé plein de cambouis de Kurt Sutter dans une conversation sans s’attirer au mieux quelques moues à peine polies. M6 l’avait programmée tardivement puis déprogrammée. Il y a certes autre chose à faire dans la vie que de regarder toutes les séries américaines qui inondent les écrans, mais l’image un peu bourrine de Sons of Anarchy et de ses bikers hirsutes est en décalage total avec sa réalité complexe et au minimum passionnante, à défaut d’être absolument géniale. Cela dure depuis son apparition, il y a presque cinq ans.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Dans le contexte très différent d’un article sur la violence à l’écran publié en janvier dans Variety, le boss de Sons of Anarchy(SOA pour les intimes) a répondu indirectement aux critiques et relevé la dimension réflexive de son travail, d’ailleurs reconnue dans son pays:
« Je vis dans deux mondes différents. Celui d’une dynastie masochiste, raciste, homophobe, de droite, qui aime les flingues, mange de la viande et conduit des Harley – c’est SOA. Et celui de mon existence personnelle, centriste voire de gauche, anti-armes, citoyenne, végétarienne, pro-gay, pro-avortement et voitures électriques. Souvent, l’une investit le territoire vital de l’autre et c’est un vrai problème pour moi. En ce qui concerne Sons of Anarchy, je lutte pour que mes opinions personnelles ne polluent pas mes choix créatifs. »
L’éloquence de cet ex de The Shield, comme échappé d’un groupe de hard-rock des années 80, ne cesse d’étonner ceux qui n’ont pas voulu jeter un oeil à sa création. Mais il n’est jamais trop tard pour commencer. La sortie en DVD de la quatrième saison (cinq ont déjà été diffusées aux Etats-Unis) offre une occasion comme une autre de se plonger dans un univers à la fois spécial et reconnaissable.
Pour les néophytes, rappelons que Sons of Anarchy dresse le portrait intime et profond d’un gang de motards dans une petite bourgade virtuelle de Californie. Le clan est engagé dans des activités criminelles et répond à un code d’honneur strict et brutal. Au centre du récit se trouve la relation père/fils entre le jeune vice-président Jax et le chef du clan, Clay, qui est aussi son beau-père. Un lourd secret porte une ombre sur leur destin commun et celui de la matriarche Gemma.
Inspiré par Hamlet (comme la moitié des séries anglo-saxonnes actuelles, semble-t-il), SOA mélange avec maestria l’action virile et la lenteur classique. Lors de cette quatrième saison, la série atteint le stade de la maturité où beaucoup se sont perdues. Pour répondre au défi des années qui passent, Kurt Sutter a choisi d’assumer. Son crédo ? Ne surtout pas faire la révolution, pas tout de suite en tous les cas. Au premier épisode, de nombreux membres du gang sortent de prison et tout recommence comme avant.
Droite dans ses bottes, mains collées au guidon, la série ne semble avoir désormais aucune autre ambition que de se ressembler elle-même, ce qui représente déjà quelque chose. Au fil d’épisodes finement sculptés, l’approfondissement des structures émotionnelles en place depuis plusieurs saisons rend Sons of Anarchy insidieusement addictive, peut-être plus qu’elle ne l’a jamais été. Les rebondissements (même énormes) sont plutôt prévisibles, mais la série regorge de détails très beaux, de micro-moments où le poids du temps fait son ouvrage en silence. Derrière la rugosité des cuirs, la mélancolie de Jax, Clay et les autres nous transperce.
Sons of Anarchy saison 4 (Fox), DVD et Blu-Ray, environ 40 € et 5 0 €
à lire Sons of Anarchy – La guerre perpétuelle de Renaud du Peloux (PUF), 108 pages, 12 €
{"type":"Banniere-Basse"}