En changeant l’essentiel de son casting, Skins prenait un risque. Mais, restée fidèle aux enjeux de la série – le sexe, les parents, la défonce –, elle réussit son pari.
Pour ce qui est de la fraîcheur, on repassera : la saison 3 de Skins débarque en France un an et demi après sa diffusion anglaise et alors que la saison 4 est terminée là-bas depuis mars. Le public cible de la série ado la plus inventive de ces cinq dernières années a déjà eu l’occasion de s’en faire une idée.
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Mais le reste du monde, c’est-à-dire nous tous ? Voici le moment de visiter cette troisième levée passionnante. D’autant qu’il n’est même pas indispensable d’avoir vu les deux premières saisons pour le faire. Histoire de montrer son cran et sa confiance, le staff créatif de Skins a en effet décidé de renouveler presque entièrement le casting de la série. Exit Tony, Cassie et les autres, bienvenue à Katie (Emily Fitch), JJ (Ollie Barbieri) ou Freddie (Luke Pasqualino).
Une purge ? Pas vraiment. Empruntons aux geeks un terme qui leur est familier : Skins s’est offert un reboot, une réinitialisation. Et pas du tout pour des raisons bébêtes liées au marketing. Rencontré à Bristol à l’automne 2008, lors d’un reportage sur le tournage de cette saison de toutes les nouveautés, le jeune cocréateur Jamie Brittain (24 ans alors) nous expliquait pourquoi :
“On a tout changé pour que notre série ne ressemble pas à un soap, où les personnages réagissent toujours aux situations de la même manière et deviennent prévisibles. Pour raconter de nouvelles histoires, il nous fallait donc un nouveau casting. Comme Skins évoque une classe d’âge, les 15-18 ans, et une géographie particulières, on ne pouvait pas laisser grandir les personnages. S’ils avaient commencé à aller à la fac, cela aurait été une autre série. Notre sujet, c’est la culture teen, dont le terreau est très large à Bristol. On en profite.”
Et voilà un tabou de plus brisé par Skins : cette idée selon laquelle la force du récit sériel contemporain se mesure à sa manière de mettre en scène le vieillissement simultané des personnages et des spectateurs. Ce romanesque-là, pourtant riche de possibilités (qui a dit Mad Men ?), Skins le refuse pour se consacrer exclusivement à la retranscription fidèle d’une énergie adolescente, par essence éphémère…
L’effet est particulièrement réussi. Comme si nous avions simplement laissé passer un été pour réattaquer la rentrée sur de nouvelles bases, notre oubli des anciens personnages, pourtant très forts, est à peu près total au bout de quelques minutes du premier épisode de cette troisième saison. La transition se trouve certes facilitée par le fait que deux d’entre eux (qui n’étaient pas véritablement des personnages principaux) sont encore là : la brune incandescente Effy et la blonde sautillante Pandora.
Mais aucune autre concession n’est faite au passé, à part de brèves allusions rieuses. Très vite, ce Skins version 2.0 retravaille les enjeux éternels de la série – le sexe, les parents, la défonce – à sa manière. Comme lors de la première saison, chaque épisode, sauf le premier et le dernier, porte le nom d’un personnage. Chacun a droit à son petit tour de piste. Nos préférés ? Le faux caïd Cook et son sens de l’extrême, l’immensément fragile J. J., ainsi que le couple formé par Emily et Naomi. Un couple de filles dans une série pour ados ? Gossip Girl l’a fait, et Newport Beach auparavant, mais Skins ne se vautre pas dans le lesbian chic pour hétéros en rut, fussent-ils boutonneux. Le regard qui se pose sur cette love story cumule ironie et empathie.
Une distance idéale pour entrer avec finesse dans un rapport au monde adolescent, que la série cultive sans faiblir.
Skins, saison 3 à partir du 15 juillet, tous les jeudis > Canal+ > 22 h 15
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