Les séries de vingt-six minutes ont le vent en poupe sur la câble aux Etats-Unis, comme le démontre la dernière-née « Silicon Valley ».
S’il y a bien un domaine qui semble toujours réservé aux Américains (et parfois aux Anglais, quand ils ont envie) alors que toutes les frontières semblent s’effriter par ailleurs, c’est bien celui de la comédie de vingt-six minutes, hors sitcom et soap. Ce micro-genre existe depuis longtemps au pays de Mickey et, dans les cinq dernières années seulement, il a produit plusieurs grosses réussites, d’Enlightened à Louie en passant par Wilfred ou Doll & Em. Mais il ne parvient pas à se faire une vraie place dans les productions d’ici.
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En France, les tentatives actuellement à l’antenne se comptent sur les doigts d’une main (Lazy Company, Kaboul Kitchen, Platane notamment), principalement parce que les diffuseurs ne trouvent pas d’utilité à ce format dans leur grille. Souvent, ce genre de programme est diffusé par paquets de trois épisodes. Une habitude tenace paraît-il liée aux pratiques de visionnage des téléspectateurs. Des pratiques dont on ne peut que constater les mutations en cours – avec le replay, par exemple -, ce qui devrait ouvrir la porte aux candidats dans les années à venir. On l’espère, car la comédie de vingt-six minutes connaît une période créative fulgurante.
Principalement sur les chaînes du câble (HBO, Showtime, FX et quelques autres), les histoires s’y racontent de manière paradoxalement moins hystérique, plus simple et souvent plus inventive que dans la sempiternelle forme télévisuelle majeure, comprise entre quarante et cinquante-cinq minutes. Girls le montre brillamment depuis trois saisons en suivant les aventures d’Hannah Horvath et de ses copines entre Brooklyn et Manhattan. Toutes les combinaisons sont possibles avec des épisodes aussi ramassés : l’étirement du temps comme les brusques accélérations, la tentation de la comptine comme celle du grand chambardement opératique. Une liberté plus grande s’offre à ceux qui se décident à sortir des formules usuelles – notamment l’écriture en actes, un résidu des networks accros à la publicité – et se permettent des alternances rythmiques plus marquées.
Thématiquement aussi, le genre sourit aux audacieux, comme l’a montré récemment la réussite marquante du pilote de Transparent, tourné pour Amazon, qui met en scène un père sexagénaire en passe d’annoncer à ses enfants qu’il est une femme. Un modèle de délicatesse. Dans les « 26′ », la touche modeste mais ambitieuse associée à un certain cinéma indé semble avoir ouvert un horizon – notamment le mouvement mumblecore, dont l’influence est aussi visible dans la comédie gay de HBO, Looking.
Ce printemps amène son lot de bonnes nouvelles avec le retour de la comédie politique Veep, mais aussi les débuts (depuis le 6 avril) de la prometteuse Silicon Valley, cocréée par Mike Judge. Dans les eighties, l’homme derrière les infâmes Beavis et Butt-Head a fréquenté le célèbre repaire de geeks proche de San Francisco pendant… trois mois, avant de se faire la malle. Il y revient par le biais fictionnel en mettant en scène de jeunes programmeurs – tous des mecs, pour l’instant – qui se rêvent en prochains Steve Jobs ou Mark Zuckerberg.
« On pourrait être les Vikings de notre temps », clame le héros gorgé d’espoir dans le pilote, quand un de ses projets d’application fait monter les enchères. A la frontière entre le monde exalté de l’avant-garde numérique et celui, brutal, de l’Amérique « corporate » (deux univers qui se croisent en permanence), Silicon Valley promet une odyssée complexe. On pense à Entourage mais aussi à House of Lies. Aura-t-on droit à une critique en creux du modèle capitaliste contemporain ou à une success story un peu plus classique ? La réponse viendra avec les prochains épisodes.
Silicon Valley chaque lundi, 22 h 20, OCS City. Egalement présentée au festival Séries Mania le 27 avril à 20 h
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