Les auteurs de Pigalle, la nuit reviennent avec un polar atmosphérique sur l’île de la Réunion.
Dans le grand désarroi de la fiction hexagonale, une note d’espoir arrive avec le printemps. Cette semaine et la prochaine, deux séries françaises ambitieuses vont être diffusées, que l’on n’a pas honte de regarder. Inégales, manquant de rigueur par moments, elles sont pourtant travaillées par le désir simple (mais, au vu du contexte, exceptionnel) d’accomplir une oeuvre et d’exprimer un point de vue singulier. Ce programme, minimal pour la moindre série anglo-saxonne, ressemble dans nos contrées à une forme d’héroïsme. On a les héros que l’on mérite. Et aucune raison de ne pas chercher à les apprécier.
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Avant Xanadu et sa famille pornocrate détraquée (sur Arte à partir du 30 avril), voici Signature, qui confirme, un mois après Les Beaux Mecs, que le service public a décidé de remplir sa mission avec plus de sérieux que ce à quoi il nous avait habitués. Aux commandes, on trouve le duo Hervé Hadmar (scénariste et réalisateur) et Marc Herpoux (scénariste), déjà remarqué avec Les Oubliées, en 2008 sur France 3, puis avec Pigalle, la nuit, diffusée sur Canal+ l’an dernier et souvent estampillée « meilleure série française moderne ».
Hadmar et Herpoux appartiennent à une race en voie d’apparition : celles des auteurs français de télévision identifiés comme tels et désirés par les chaînes et par une certaine frange du public. Leur sentiment de liberté détonne dans un milieu généralement morose. Ils peuvent donc se permettre une aventure aussi risquée que Signature.
Le pitch de cette mini-série, une histoire de serial killer, tient pourtant sur un napperon et pourrait ressembler à du déjà-vu. Traumatisé par l’assassinat de ses parents devant ses yeux alors qu’il avait 5 ans, longtemps désocialisé, Toman supprime ceux qui font du mal aux enfants. Voilà pour l’entrée en matière, qui n’est pas ce qu’il y a de plus réussi dans Signature.
Une vraie atmosphère
L’inévitable comparaison avec Dexter a beau être atténuée par la (juste) référence faite par les auteurs au Parfum de Patrick Süskind, cette ombre portée met du temps à se dissiper : deux épisodes au moins, voire quatre pour les plus pointilleux. On peut bien sûr aimer une série après quelques épisodes de réglage, les exemples ne manquent pas. Le problème, quand elle est française et ne propose que six chapitres au total, c’est qu’on est forcé de ne l’aimer qu’à moitié.
Après sa mise en route un peu déséquilibrée, entre le souci de conserver du mystère et celui de dessiner une route narrative praticable, Signature déploie son ambition peu ordinaire dans le paysage sériel français : un travail atmosphérique, où l’île de la Réunion joue un rôle aussi important que Sami Bouajila et Sandrine Bonnaire. Cette situation géographique n’a rien de neutre. Elle permet d’inscrire la série dans un territoire à la fois identifié et radicalement alternatif. La France qui ne ressemble pas à la France comme métaphore d’une fiction différente.
Hervé Hadmar, qui a réalisé les six épisodes en plus de les co-écrire, a trouvé un terrain de jeu dans la nature touffue de l’île tropicale. L’ampleur des paysages, auscultés avec insistance, imprime la narration, au point de l’envahir comme une herbe folle envahit un jardin. Le devenir-animal du héros prend alors son sens le plus intéressant, entre forêt et océan, hauteurs et abîmes. Temps et espace s’étirent, jusqu’à déposer sur la fin des reliquats de sentiments et de sensations dont il reste au spectateur à faire le tri. Le dernier épisode est franchement émouvant. Controversée, jamais parfaite, finalement attachante : Signature mérite d’être vue.
Olivier Joyard
Signature mini-série en six épisodes de 52 min., Avec Sami Bouajila et Sandrine Bonnaire. Chaque vendredi à partir du 22 avril à 20 h 35 sur France 2.
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