La nouvelle série documentaire de BrutX se déplie en cinq volets, un épisode toutes les deux semaines.
“On a tous en soi la capacité d’être transcendé par la sexualité”. C’est une vingtenaire souriante qui prononce ces mots, dans le deuxième épisode de Sexplorations, série documentaire en cinq volets que la nouvelle plateforme BrutX égrène tout au long de l’été, au rythme pépère d’un épisode toutes les deux semaines. Une façon de voir la vie et de penser à nos plaisirs qui, malgré des décennies de libération sexuelle supposée, reste minoritaire. Qui baise vraiment pour explorer ses limites ? Qui prend en charge ses désirs d’exploration sans regarder en arrière ? Combien de temps faut-il pour y parvenir ? À travers cinq portraits variés et plutôt sensibles, Anaël Dang propose un instantané souvent passionnant de nos états du corps, qui tombe à pic alors que les sens post-confinés se réveillent pour de bon.
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Cathline, celle qui prône donc la transcendance par le cul, bosse en tant que sexologue et fait de ses expériences un moteur pour son travail. A moins que ce ne soit le contraire, car tout s’interpénètre. En vingt minutes serrées, la caméra suit ses conversations professionnelles et intimes, guidées par l’idée qu’une parole libre permet d’établir des fondations solides à toute pratique en dehors des clous. Elle évoque notamment sa conception du polyamour, au sens très large du terme puisque tout cela se terminera par un système de sextoys connectés entre son clitoris et le mouvement de l’océan, “mon amant” comme l’appelle l’intéressée, dont la force et l’amplitude infinie lui donnent de puissants orgasmes.
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La vie est plus douce avec le BDSM
Chaque épisode, centré autour d’un personnage singulier (sauf le dernier, consacré au trio de jeunes pornographes “En Marche Noire”), met en lumière la force éclairée du consentement et la puissance de ce concept quand il s’agit de remettre en cause radicalement le sexe classique. Une vision contemporaine exprimée par des intervenant·es qui ont choisi de parler à visage découvert et s’expriment avec une forme de tranquillité et de lucidité sur leurs envies. Se dégage de leurs mots l’idée que la norme devient une question vite dérisoire, un référent sans avenir.
Les un·es et les autres ont construit leurs propres normes, leur espace sans contrainte, même quand il s’agit comme Michel, ex-prof d’université de 67 ans, de jouer le rôle du soumis face à de jeunes maîtresses qui pratiquent avec lui le Shibari, l’art du bondage japonais. Le doc qui lui est consacré est l’un des plus frontaux visuellement – même si la série évite la pornographie – et se permet une déconstruction en règle de la figure du mâle dominant dont la société peine à se débarrasser. Visage déformé par la douleur, peau marquée par les cordes, Michel n’a aucun problème à expliquer que sa vie est plus douce depuis qu’il pratique le BDSM.
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Balance ton corps
On peut regretter que Sexplorationsne se donne aucune latitude de format, chaque épisode étant bloqué sur une durée-type alors que certains auraient bénéficié d’une attention plus développée aux détails. À partir d’un pitch très fort – une quinquagénaire libertine juive pratiquante et mère d’un ado qui intervient à l’image -, le troisième volet intitulé Orgie et préjugés se voit contraint à un déroulé un peu mécanique, voire anecdotique, de l’existence de cette femme qui a littéralement survécu en s’adonnant au libertinage, après une première partie de vie adulte marquée par l’emprise d’un compagnon violent. C’est en cela que la série se rapproche davantage d’une suite de reportages télés, certes originaux, que du temps et du regard que supposent le documentaire.
Dans ce cadre-là, ce sont les intervenant·es les plus en phase avec l’esthétique et l’usage des réseaux sociaux qui se trouvent être les mieux adapté·es au format choisi par le réalisateur. C’est le cas de l’héroïne du quatrième épisode, Bertoulle Beaurebec, femme queer, travailleuse du sexe et afroféministe, qui incarne le versant ultra politisé de la sexualité alternative à travers sa capacité à créer des images désirantes totalement délestées des regards masculins, blancs ou hétéros. Sa parole simple mais habitée est accompagnée de plans assez incroyables où la jeune femme multiplie les pratiques, se réapproprie le mot “salope” et se maquille avec son propre sang. Sa voix résonne longtemps. Le titre de son livre, Balance ton Corps (Ed. La Musardine) aurait pu servir d’étendard à toute la série.
Sexplorations s’achève avec le trio En Marche Noire, stars du site Pornhub où il et elles mettent en scène leur trouple basé sur la domination de ses deux membres féminins par leur compagnon et maître. Tous·tes sont agé·es d’une vingtaine d’années et donnent l’impression étrange de créer leur propre liberté tout en la contraignant. On ne parle pas ici de leurs pratiques sexuelles basées sur la gorge profonde et l’anulingus, où le consentement règne sans ambiguïté, mais de la mise en scène perpétuelle de leurs interactions, de ce rapport finalement très générationnel et mainstream à la construction virtuelle de soi. “On n’a pas envie que ce soit une double vie, on veut que ce soit notre vie”, explique Quentin. Mais comment bande-t-il et comment jouit-il vraiment ? Pas sûr que nous ayons la réponse.
Dans la foulée de cette interrogation, Sexplorations mériterait une deuxième saison pour investir son sujet plus en profondeur.
Sexplorations. Sur Brut X toutes les deux semaines jusqu’au 26 août.
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