La troisième saison de la série teen la plus bienveillante et réjouissante de ces dernières années poursuit son scrutement des sexualités et des sentiments amoureux, et souligne l’importance d’être à l’écoute de son moi, quels que soient les obstacles.
Crise sanitaire oblige, il aura fallu patienter quelques mois pour que Sex Education (dont la saison 3 était initialement prévue pour janvier) puisse poursuivre son projet au long cours : l’exploration à forte teneur pédagogique des sexualités (le pluriel est d’importance) d’une poignée de lycéen·nes britanniques.
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Si la pandémie a ralenti la production de la série, pas question pour les ados de Sex Education, en pleine ébullition hormonale, de se soumettre aux gestes barrières, et encore moins à la distanciation sociale. En témoigne l’ouverture de cette troisième saison, lancée le souffle court et dans des râles de jouissance, par le montage alterné de leurs ébats fiévreux.
Guidées par un vœu d’inclusivité sacerdotale, les deux premières saisons de Sex Education s’employaient à encapsuler, de manière quasi exhaustive, les orientations sexuelles multiples de jeunes gens (et d’autres moins jeunes) apprivoisant fébrilement leurs désirs, débordants ou bien enfouis, et leurs corps, soumis aux aléas de la puberté. Hétéros, homos, bisexuel·les, asexuel·les, pansexuel·les… (presque) toutes les couleurs de l’arc-en-ciel y étaient scrupuleusement cartographiées, apparentant la série (d’utilité publique pour de jeunes spectateur·trices susceptibles de questionner leur sexualité) à un cours d’éducation sexuelle progressiste, soucieux de rendre compte de la diversité des orientations et des pratiques.
Une visée pédagogique dans le bouillon d’un récit effervescent
On y suivait Otis (Asa Butterfield), lycéen à la sexualité contrariée et fils d’une sexologue de renom (l’exquise Gillian Anderson), et Maeve (Emma Mackey), ado un brin rebelle et secrètement surdouée, tous·tes deux reconverti·es conseiller·ères sexuel·les en herbe, dispensant à leurs camarades – dans les toilettes abandonnées de leur bahut, transformées en cabinet de sexologie clandestin – des conseilssur leur sexualité : comment atteindre l’orgasme, pratiquer hygiéniquement la sodomie, affirmer ses désirs refoulés ou encore renouer avec son corps après une agression sexuelle…
Réjouissante, la série parvenait à diluer sa visée pédagogique dans le bouillon d’un récit effervescent, faisant souffler sur le paysage hétéronormé du désir un vent d’inclusion bienfaiteur. Cette troisième saison poursuit donc son auscultation rigoureuse de la sexualité adolescente (avec notamment l’introduction d’un personnage non-binaire, masquant les attributs physiques de son genre de naissance) tout en bifurquant légèrement de son programme balisé (la compilation scrupuleuse de toutes les orientations sexuelles possibles), qui, à l’usure, risquait de virer au système.
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Le lycée de Moordale – ses allures d’université américaine et ses lycéen·nes surlookés·es, comme échappé·es d’un film de campus des années 1980 – voit la libération sexuelle acquise dans les deux premières saisons menacée par l’arrivée d’une nouvelle proviseure (campée par Jemima Kirke, l’inénarrable Jessa de Girls, ici à contre-emploi).
À première vue cool et compréhensive, Hope s’avérera en fait parfaitement rétrograde, affichant un féminisme spécieux, prônant l’abstinence et les bonnes mœurs. De quoi enjoindre les élèves à sonner une révolte sex-positive, qui atteindra son paroxysme dans le sabotage d’un spectacle de fin d’année censément bienséant, transmué en un musical débridé et licencieux particulièrement jubilatoire.
En dehors de cette intrigue un peu convenue mais habilement menée, la série créée par Laurie Nunn continue de sonder les errements amoureux de ses personnages (ados ou pas), ballottés par le flot tempétueux de leurs sentiments voraces. Car si elle a la sexualité pour objet d’étude, c’est encore d’amour que la série parle le mieux ; des joies et peines de cœur d’adolescent·es (et d’adultes) qui découvrent que, sous le territoire hybride et mutagène du désir, se terre une région plus mystérieuse et obscure encore de la psyché humaine : celle des sentiments amoureux.
Sex Education saisit avec drôlerie et délicatesse le manège sentimental d’adolescent·es expérimentant pêle-mêle passion dévorante et chagrin foudroyant, affinités électives et amour à sens unique, nous rappelant, comme d’autres séries teen avant elle, que l’adolescence – où tout est vécu trop intensément – est au fond l’état permanent des amoureux·euses comme des peiné·es du cœur, et ce quel que soit leur âge.
Sex Education saison 3 de Laurie Nunn, avec Asa Butterfield, Gillian Anderson, Emma Mackey. Sur Netflix le 17 septembre.
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