Il y a tout juste dix ans apparaissait sur les écrans la sautillante « The O.C » (Newport Beach). Il convient de célébrer la mémoire de Seth Cohen, son plus beau personnage, éternellement regretté.
Qu’attendait-on de la vie à l’été 2003 ? Certainement pas l’arrivée en pleine canicule d’une série pour ados au-dessus de la moyenne, comme un appendice improbable et stylé à l’âge d’or qui brillait alors de mille feux. Il y a dix ans, The Shield, Sur écoute, Les Soprano, Urgences et Six Feet Under étaient toutes en cours de diffusion. Dans leur sillage, les séries entamaient une marche triomphale vers la hype parfois usante que nous connaissons aujourd’hui. The O.C. a pointé son nez, juste assez arrogante, relax, parfaitement dans l’air du temps, tout aussi bien écrite que les chefs-d’oeuvre adoubés par la faculté. Sauf que peu de monde n’osait encore l’écrire. La diffusion sur la Fox, que certains en France confondaient avec Fox News, rebutait les pisse-froid. Ils avaient tort, évidemment.
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Newport Beach – son nom en version… française – parlait de gosses de riches en Californie (mais pas que) et se montrait aussi addictive qu’un soap (mais pas que). Dans ce tableau à la fois banal et accrocheur, un personnage exceptionnel faisait pencher la balance, de ceux dont on se souvient encore une décennie plus tard, de ceux qui créent un monde et définissent à leur manière l’art d’occuper un écran : l’immortel Seth Cohen. Ce garçon aux bouclettes discrètes et au charisme subtil aurait pu être un simple ado, fan de Spider-Man et toujours mal dans sa peau. Il fut un nerd magnifique dont on a observé la mue en séducteur aguerri. Le créateur de la série, Josh Schwartz, alors âgé de 27 ans, racontait à qui voulait l’entendre que ce jeune lycéen à l’humour travaillé et à la relation compliquée avec son papa était inspiré de sa propre vie, avec ce qu’il fallait de fantasme et de distance.
Seth Cohen n’était d’ailleurs que distance : rigolard dans la tragédie, sobre dans l’émotion, il détonnait dans un univers où les autres, à une ou deux exceptions près, semblaient traverser la vie au premier degré. Son ambition était immense puisqu’il tentait de repousser la mélancolie grâce à l’ironie, en restant debout dans la tempête. La Fox n’avait peur de rien, et le comparait au héros de L’Attrape-Coeurs de J.D. Salinger dans ses dossiers de presse. Apportons un bémol à cette suggestion savoureuse : Seth Cohen était aussi intelligent que Holden Caulfield, mais sans doute plus drôle que lui. Pointu dans son timing comique, Seth brillait par sa répartie constante, y compris au petit déjeuner – il faut croire que la plupart des scènes importantes de The O.C. se déroulaient avant huit heures du matin. Il avait inspiré à son meilleur ami, le canaille Ryan, “adopté” par sa famille, cette réplique mémorable : “Parfois, j’ai l’impression que tu parles juste pour produire des sons.” Une définition parfaite de Seth Cohen.
Avec lui, il était question de forme et de style ; chaque semaine, il rejouait la même partition avec un léger pas de côté. Du grand art. L’émotion surgissait parfois, quand il tournait autour de son alter ego féminin Summer Roberts. Mais les larmes ne pouvaient naître qu’enrobées par le swing. Seth Cohen n’aurait pas fait tache parmi les personnages d’A la Maison Blanche, ses contemporains. Et l’acteur, au fait ? Le génial Adam Brody, largement plus de 20 ans au moment de la série, en a aujourd’hui 34. Depuis la fin de The O.C. en 2007, il est apparu dans une multitude de films (Jennifer’s Body, Damsels in Distress), sans atteindre le même niveau de finesse. Il jouera bientôt un acteur porno seventies dans Lovelace. Il est toujours l’un des hommes les plus drôles d’Hollywood, même si peu de gens le savent
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