Le showrunner de “The Haunting” signe une série déconcertante qui conjugue l’horreur au folklore chrétien et la rédemption personnelle à l’expiation collective.
Il n’aura fallu que quelques années à Mike Flanagan pour atteindre l’épicentre de l’horreur contemporaine. Passé des productions fauchées (Absentia) aux adaptations cossues de Stephen King (Doctor Sleep) et au pilotage de séries ambitieuses (The Haunting), il incarne une ligne ancrée dans la tradition mais agitée par des remous autoréflexifs, dont les visions surnaturelles s’enracinent dans une forme de réalisme psychanalytique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Après avoir envisagé les fantômes comme symptômes des traumas de la famille meurtrie de Hill House, et en avoir fait l’écho des amours tragiques des personnages de Bly Manor, le réalisateur renfile sa casquette de showrunner pour Sermons de minuit, et met le cap sur Crockett Island, une île fictive située à cinquante kilomètres des côtes américaines et dont la petite communauté de pêcheurs paupérisée se remet difficilement des ravages d’une marée noire.
>> À lire aussi : Faut-il voir “Happiness”, la web-série Arte sur la jeunesse iranienne ?
Tout juste sorti de prison où il était incarcéré suite à un homicide involontaire, Riley Flynn (Zach Gilford) retourne chez ses parents et entreprend de trouver un sens à sa vie. Au même moment, un jeune prêtre charismatique (Hamish Linklater) s’installe dans la paroisse locale pour remplacer son prédécesseur convalescent. Ses sermons atypiques coïncident avec une série de miracles dont la contrepartie sinistre ne tardera pas à se manifester.
Horreur religieuse
Flanagan a semble-t-il délaissé Bly Manor, dont il n’avait signé la mise en scène que du premier épisode, pour se consacrer corps et âme à Sermons de minuit, qu’il considère comme étant le projet le plus important de sa carrière et dont il avait discrètement suggéré l’avènement dans Pas un bruit et Jessie. La série est avant tout l’histoire d’un retour, pour ses personnages comme pour leur créateur, ex-servant de messe élevé dans une communauté religieuse dont les rites ont forcément structuré l’imaginaire. Ce regard vers l’enfance appréhende les codes de l’horreur comme des outils critiques : il s’agira de remonter à la racine des croyances et aux origines du Mal.
Chargée une nouvelle fois par l’aura de Stephen King, la série s’inscrit au confluent d’une horreur religieuse qui déplie l’imaginaire catholique en rites sanglants, possessions et pouvoirs occultes, et d’une angoisse communautaire qu’on pourrait relier au sous-genre de la “folk horror”, exploré ici sous une forme insulaire.
Malgré cette généalogie précise, le visionnage de Sermons de minuit s’avère quelque peu déroutant. Si l’on y retrouve plusieurs marqueurs familiers de l’œuvre de Flanagan – longues conversations mélancoliques en plans-séquence, apparitions terrifiantes, mais aussi toute une partie du casting allant d’Henry Thomas, le papa de Hill House, à Kate Siegel en passant par Rahul Kohli, l’Owen de Bly Manor –, ils semblent disséminés dans une glaise étrangère, tant sur le plan esthétique, en caméra à l’épaule court-circuitée par des plans subjectifs, que sur celui d’une narration au rythme trop lâche et aux coutures parfois grossières. Omniprésent et hypnotique, le verbe religieux imprime à l’édifice une coloration bigote qu’une mise en scène moins inspirée que de coutume peine à défriser.
https://www.youtube.com/watch?v=2OkK4lBxDy8&ab_channel=NetflixFrance
>> À lire aussi : Triomphe de “The Crown”, Kate Winslet récompensée… ce qu’il faut retenir des Emmy Awards 2021
Le terrain se solidifie et ses perspectives se clarifient à mesure que la série agrège à son folklore religieux des figures horrifiques dont nous laisserons le spectateur découvrir les contours. À travers le processus de radicalisation fanatique qui saisit sa population, l’île devient un précipité grimaçant du monde contemporain, qui en conjurerait l’épouvante sous la forme d’une grande messe expiatoire, et la Bible la matrice originelle de tous les récits d’horreur.
Mais Sermons de minuit ne serait pas une œuvre de Flanagan si elle ne se jouait pas, in fine, au chevet des personnages et de leurs blessures intimes. Car si elle insinue que les pires horreurs ne proviennent pas de Dieu ou d’un quelconque surnaturel mais bien de la nature humaine, c’est pour offrir à ses figures cabossées – Riley, Erin mais aussi le prêtre – une perspective de rédemption, et la possibilité de surmonter leurs traumas, ou du moins d’apprendre à vivre (et peut-être à mourir) avec en transmuant leur ombre en lumière.
Sermons de minuit, de Mike Flanagan, avec Zach Gilford, Kate Siegel, Hamish Linklater… Sur Netflix le 24 septembre.
{"type":"Banniere-Basse"}