Deux séries revisitent le mythe de l’Amérique originelle. Si Revolution, produite par J. J. Abrams, ne dit rien qui vaille, « Last Resort » affiche de belles promesses.
La perspective de l’élection présidentielle du 6 novembre prochain y est peut-être pour quelque chose. La rentrée des séries US, qui bat son plein, semble résolue à prendre à bras-le-corps les débats qui agitent le pays. Voire à les devancer. Tandis que la comédie The New Normal met en scène avec pédagogie le parcours d’un couple gay dans son désir d’enfant, deux dramas très attendus scrutent la déliquescence morale du pays en fantasmant une Amérique primitive. Rien que ça.
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Revolution et Last Resort creusent peu ou prou le même sillon que The Newsroom, la nouvelle création d’Aaron Sorkin, diffusée cet été sur HBO. Leur présupposé tient en une phrase : croire sincèrement en 2012 que l’Amérique est encore le plus grand pays du monde s’avère une lubie aux conséquences potentiellement dévastatrices. Esthétiquement et narrativement, les moyens employés pour étayer cette démonstration sont très différents. Dans les séries grand public, il faut frapper fort d’entrée. Produite par J. J. Abrams, Revolution imagine un monde où toute source d’énergie a brutalement disparu. Plus de téléphones, plus de voitures, plus de portables, plus de Google, rien. Quinze ans après le black-out, la Terre est quasiment retournée à l’état de nature. Les milices mènent la danse mais quelques irréductibles tentent de conserver un semblant de civilisation, arbalète à la main. On parie qu’ils vont y arriver.
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Cette lubie du retour à zéro est une constante de l’imaginaire américain, depuis Henry David Thoreau (auteur du fondateur Walden en 1854) et jusqu’à Lost. Mais il ne suffit pas de s’en inspirer pour réussir un chef-d’oeuvre. Au vu de son pilote, Revolution s’annonce lourdaude, incapable de choisir entre ses ambitions de grand récit adulte et ses obligations rythmiques hystériques. Voilà qui ressemble à une banale série d’action maquillée en drame sérieux. On pense souvent à la récente Terra Nova, ce pudding vite retombé où l’humanité était revenue aux temps des dinosaures pour pas grand-chose. Seul point positif dans ce tableau peu ragoûtant, la présence de l’acteur Giancarlo Esposito, qui interprétait le maléfique Gus Fring dans Breaking Bad et retrouve ici un rôle ambigu et parfaitement flippant.
Last Resort s’annonce un peu meilleure que Revolution. Créée par Karl Gajdusek et surtout Shawn Ryan (l’homme derrière The Shield), la série commence alors que le capitaine d’un sous-marin nucléaire américain fait sécession en refusant d’envoyer une bombe sur le Pakistan. Le gouvernement a-t-il été trompé ? La réponse attendra. Sous le feu de sa propre armée pour avoir désobéi, le renégat doit se réfugier sur une île avec son équipage. Vers la fin de l’épisode, ce vieux routier de l’armée américaine sort le grand jeu, planté devant l’océan : « Qu’est-il arrivé au pays où j’ai grandi ? Nous sommes tous responsables de ce gâchis. On pourrait faire mieux, ici même. Tout reprendre depuis le début. »
Si l’Amérique est devenue folle, mieux vaut en recréer une autre en miniature, à partir de rien. Un pays sans banques, sans gouvernement, sans corruption. Une page blanche. Le propos de Last Resort est clair, mais l’avenir dira si la série développe de vraies ambitions ou si elle enclenche simplement les ressorts d’une fiction complotiste classique – mais pourquoi le gouvernement a-t-il déconné ? En attendant, sa précision et son efficacité dans la mise en scène de l’action attisent la curiosité (le pilote a été réalisé par Martin Campbell, auteur du Masque de Zorro et surtout de Casino Royale en 2006). C’est déjà respectable.
Revolution depuis le 17 septembre sur NBC
Last Resort à partir du 27 septembre sur ABC
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