Les premiers épisodes de la série la plus attendue de Netflix en ouverture, la présentation des séries en compétition, des rencontres avec Élisabeth Tanner ou Jean-Xavier de Lestrade : les huit jours du festival, du 15 au 22 mars, s’annoncent intenses.
Après ses années parisiennes de 2010 à 2017, Séries Mania entame sa sixième saison lilloise, avec l’ambition de rester le principal festival de séries en Europe et de défendre un pan culturel dominant dans les pratiques, mais souvent dévalorisé en tant qu’art. Le moment est singulier, pour plusieurs raisons. D’abord, une baisse de régime artistique fait que les grandes séries contemporaines sont rares, alors même que le niveau général n’a cessé d’augmenter depuis une décennie. Un paradoxe assez classique, tant l’histoire des formes se construit par cycles qui finissent par s’épuiser tous seuls. La période où les séries pouvaient dominer la culture globale semble passée.
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Où sont les Mad Men, les Game of Thrones ? Même l’industrie montre des signes de faiblesse. La bulle des streamers menace partiellement d’éclater (Paramount+ comme Disney+ ont annoncé des réductions de coût), et ce qu’on appelait il y a quelques années encore la “Peak TV” – une production de plus en plus importante en nombre – appartient à l’histoire. Bienvenue dans un monde incertain, y compris pour les séries, celles que l’on croyait pourtant si protégées durant la crise du Covid.
À ce contexte vient s’ajouter la grève des scénaristes qui a bloqué Hollywood l’an dernier (et impacte forcément le festival). Là aussi se dessine un changement d’ère, qui concerne les technologies et leur usage : l’intelligence artificielle a été le sujet majeur de cette crise. Séries Mania arrive donc sur un champ de bataille plutôt éclaté, ce qui rend le festival toujours plus pertinent et important à défendre.
Le réel, ferment du romanesque
À quoi faut-il s’attendre ? L’an dernier, l’iranienne The Actor avait remporté le Grand Prix, sans susciter la curiosité d’un diffuseur français – on se réveille ? D’autres tenteront d’attirer l’attention du 15 au 22 mars, à commencer par celles qui ont les honneurs de la compétition internationale, notamment la curiosité Dans l’ombre (France Télévisions), soit l’alliance entre Pierre Schoeller, cinéaste respecté de L’Exercice de l’État (2011) qui racontait le quotidien d’un ministre, et l’ancien chef du gouvernement (et futur éventuel candidat à la présidence de la République) Édouard Philippe. La série est l’adaptation du best-seller de ce dernier (coécrit avec Gilles Boyer) et raconte une campagne tumultueuse, en mêlant esprit documentaire et pure fiction.
Une manière pour Séries Mania d’appréhender l’un des thèmes majeurs de cette édition : la prise en compte du réel comme ferment du romanesque, à une ère où les récits originaux n’ont pas de prix. L’hommage à Jean-Xavier de Lestrade, pionnier du documentaire sériel de true crime avec Soupçons (et auteur du récent carton Sambre, côté fiction) va dans ce sens : le Français, devenu au fil des ans une figure majeure des séries hexagonales, s’exprimera sur ses inspirations et sa méthode.
On verra en compétition So Long, Marianne, une série canado-norvégienne sur la romance sixties entre Leonard Cohen et Marianne Ihlen, la femme qui a inspiré au musicien la belle chanson homonyme publiée dans son premier album en 1967, et à qui il a pensé jusqu’à la fin de sa vie. Un petit voyage en Grèce vers Hydra, l’un des lieux de leur idylle, ne fera pas de mal. Toujours en compète, côté Arte, la franco-britannique Rematch (produite par Bruno Nahon, familier du festival depuis Ainsi soient-ils) s’intéresse au moment où le champion d’échecs Garry Kasparov tombe sur un os face à l’ordinateur Deep Blue, en 1997. Une réflexion contemporaine sur l’intelligence artificielle est promise, comme une manière de prouver que les séries peuvent saisir les enjeux qui agitent l’époque.
Rencontres et créations
Pendant neuf jours, il faudra se frayer un chemin dans une programmation pléthorique, dont on retient par exemple une amusante rencontre avec Elisabeth Tanner (l’inspiration derrière l’héroïne de Dix pour cent) intitulée “Meet My Agent”, une masterclass avec l’actrice américaine Patricia Arquette, qui navigue depuis trente ans entre grands films (Lost Highway, Boyhood) et très bonnes séries (Medium, Severance), ou une autre avec le très chic président du jury de la compétition internationale Zal Batmanglij (The OA, Murder at the End of the World).
Tandis que les sections Panorama et Compétition française devront ouvrir les yeux et les oreilles du public vers un ailleurs où l’Amérique, d’une certain point de vue, n’existe pas. Il y a peut-être moins de chefs-d’œuvre, mais la diversité des regards, des expériences et des cultures, n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui sur le petit écran. Séries Mania incarne cet art du voyage.
Séries Mania, du 15 au 22 mars, à Lille.
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